lundi 23 avril 2012

Line la Pas Fine n'a jamais lu David Thoreau…













 LINE LA PAS FINE N’A JAMAIS LU DAVID THOREAU…

Line la Pas Fine n’a jamais lu David Thoreau, Sur la désobéissance civile. C’est à se demander ce qu’elle faisait lorsqu’elle était aux études? Sa formation est en psychologie et, aujourd'hui, elle n’est même capable de distinguer l’esprit de vengeance qui la ronge de l’intérêt public qui est la priorité de tout gouvernement. Grenouille de milieux d’affaires, sa formation en science politique est nulle, d’où cette ignorance de la notion de désobéissance civile. Il serait grandement temps d’arrêter de voter et d’élire n’importe quel troufion seulement parce que la démocratie est un principe qui ouvre l’accès au processus électoral à l’ensemble de la population. La chose publique demande des connaissances spécifiques qui ne s’improvisent pas. C'est la raison pour laquelle la profession de chirurgien n'est pas démocratique! Respecter une constitution que l’on n’a pas signé tout en y obéissant en versant des impôts pour en tirer des taux de péréquations, c’est un statut inédit dans l’histoire, un statut lamentable d’autant plus nocif qu'il bloque la maturité psychologique et politique de la collectivité québécoise tout en permettant à certains de ses membres de jouir de privilèges d’avoir une garderie aux décorations plus riches et des jouets plus sophistiqués qui servent à dilapider les fonds publiques. Mme Beauchamp est plus familiarisée avec la notion de «sectes», qu’elle étudia durant son bac en psycho (car elle ne semble pas avoir de diplômes supérieurs», qu’avec la notion de …«classes». Bref, rien ne la qualifie - et malheureusement, rien ne l’y oblige, à avoir une quelconque formation - dans le domaine où elle a été ministre. Ni en environnement, ni en éducation.

Pourtant, cette femme médiocre va gagner sur le mouvement populaire. Non seulement le mouvement étudiant, mais aussi sur tous les citoyens qui ont appuyé la cause étudiante. Pourquoi? Parce que le savoir n’a rien à voir dans l’enjeu sur lequel sont construits les argumentaires des deux parties. Tout le monde court après la cagnotte. Le gouvernement veut toujours plus d’argent de la poche des étudiants et les étudiants veulent lui en donner toujours moins; c’est la loi en régime capitaliste. Parce que c’est un enjeu sale, on le parfume à l’eau d’idéalisme, on l’asperge d’Éducation nº 5, on l’habille de la toge du droit de scolarité en soie de Chine, on le fait rouler en Performance avec gps et dés en minous. Et c’est de tout cela dont la ministre veut discuter avec les représentants étudiants …et rien d'autre. Ceux-ci se sont, encore une fois, laissés diviser. Ils seront conviés à un banquet avec petits sandwiches pas de croûte et de la bière de chez nous (probablement de la bière d’épinette légèrement alcoolisée). On ne parlera pas de la «chose» sale, comme le veut la ministre, mais des fionfions; on finira avec un semblant d'arrangement qui reportera le tout à une date ultérieure. On finira par se résigner, par se «résiller», ce joli mot de la langue de bois. Nadeau-Dubois aura confirmé son orientation vers la professionnalisation d’animateur de foules, et finalement, tout le monde semblera sortir gagnant de l’épreuve. C'est ce qu'on appelle un «baiser Lamourette».

Or, tout cela est profondément ignoble. Ignoble de la part de la ministre de tenir à la dénonciation de la violence quand c’est l’État le premier qui en a usé. Marx distinguait entre la contrainte économique et la contrainte extra-économique.. Avant que la police commence à «varger dans le tas», en bon québécois, il y avait déjà la contrainte de l’État, c’est-à-dire la violence qu’il utilise par les moyens économiques pour astreindre ses citoyens à des conditions qu’ils n’ont ni discuté et encore moins choisi. C’est l’usage, et surtout l’abus de ce privilège donné à une institution du monopole du recours à la force et à la violence, qui l’autorise à ce qu’un de ses agents mandatés puisse procéder par la provocation et la répression violentes, alors que ceux qui sont en légitime défense ne peuvent se défendre pour protéger leur vie ou affirmer le droit à leur dissension, sans être menacé du recours à la répression judiciaire en sus. En demandant aux étudiants de la CLASSE de dénoncer l’usage qu’ils ont fait de la violence, c’est l’humiliation de ce mouvement que cherche Mme Beauchamp. Et elle le fait non sans innocence ou simple irrespect du principe de la règle de la discussion dans la résolution de conflits.

Cette face boursouflée de la ministre est pleine de ressentiments depuis que Gabriel Nadeau-Dubois et des membres de son équipe sont entrés en force dans son bureau de comté, ont bousculé son personnel et terrorisé ses fonctionnaires. C’est ce ressentiment qui la motive à agir ainsi, derrière la tactique de division qui est en train de s’accomplir par la lassitude des grévistes qui veulent mettre un terme à ce conflit héroïque mais sans but ciblé atteint. Cette motivation n’est pas politique, elle est avant tout psychologique; elle relève de la vengeance personnelle contre un individu et ses proches. C'est ce qu'elle laissait transparaître lors de son entrevue à Tout le monde en parle, le Après avoir obtenu, le 22 avril, que la CLASSE condamne les excès de certains membres, mais qu’elle réitère son droit à la désobéissance civile, Line la Pas Fine revient avec ses scrupules sur la définition à donner au terme «désobéissance civile». C’est le comble de l’ignorance libérale.

Car David Thoreau (1817-1862) était un libéral et un démocrate plus profondément et plus consciemment libéral et démocrate que n'importe quel membre du Parti Libéral du Québec. Arrêté pour ne pas avoir payé ses impôts et détenus en prison, il rédigea ce petit opuscule : De la désobéissance civile (1849), et ce qu’il y écrit est fascinant, encore aujourd’hui. Il dépasse la simple logique de ce qui fait la démocratie telle que nous la concevons:
Daumier. La Loi
«Après tout, écrit-il, si, une fois que le pouvoir est entre les mains du peuple, on permet à une majorité de gouverner, et cela pendant longtemps, ce n’est pas parce qu’elle est la plus susceptible de bien agir, ni parce ce que la minorité considère cette solution comme la plus juste. C’est parce que la majorité a la force physique pour elle. Le gouvernement qui confie toutes les décisions à la majorité ne peut pas être fondé sur la justice, même dans la mesure où les hommes comprennent en quoi consiste cette notion. Ne peut-il exister de gouvernement dans lequel, en fait, ce n’est pas la majorité qui détermine le bien et le mal, mais la conscience? […] Le citoyen doit-il jamais, pendant un instant, abandonner la plus infime parcelle de sa conscience au législateur? Pourquoi des consciences individuelles d’abord, des sujets ensuite. Il faut servir l’équité avant la loi. Ma seule obligation consiste à toujours faire ce qui me paraît juste. On dit avec raison qu’un groupe n’a pas de conscience, mais un groupe d’hommes consciencieux est un groupe doté d’une conscience. Jamais la loi n’a ajouté à l’esprit des hommes le moindre brin de justice. Au contraire, le respect qu’ils lui portent transforme chaque jour les personnes bien intentionnées en des agents de l’injustice» (David Thoreau. La désobéissance civile, Montréal, L’Hexagone, col. Balises # 2, 1982, pp. 29-30). C’est-à-dire : 1º le gouvernement élu démocratiquement n’a que le nombre qui le justifie en lui délégant le pouvoir de faire des lois et d’user de la violence sur tous les «sujets». 2º par le fait même, il défend des intérêts particuliers au détriment même de la notion de justice. 3º la loi n’est pas la justice. La thèse de Thoreau, qui passe pour anarchiste, part pourtant de ce constat qu'il est inscrit, dans la tradition comme dans la Déclaration d’Indépendance, que dès qu'un gouvernement devient despotique, il est du droit des membres de la cité de se révolter contre lui et de le remplacer. Et Jefferson, qui fut le démocrate parmi les démocrates, disait qu’il était nécessaire, parfois, d’arroser de sang l’arbre de la liberté. À condition, bien entendu, qu'il ne s'agisse pas du sang de Mme Beauchamp, auquel cas l’arbre mourrait.

Aussi, notre désobéissant Thoreau se pose-t-il la question : «Il existe des lois injustes [ce qui veut dire que toutes les lois ne sont pas nécessairement injustes, j.p.c.]. Nous bornerons-nous à les respecter? Continuerons-nous d’y obéir tout en essayant de les amender? Ou les transgresserons-nous tout de suite? D’ordinaire, sous un gouvernement comme le nôtre, on estime qu’il faut attendre d’avoir persuadé la majorité de modifier les lois. La résistance est considérée comme un remède pire que le mal. Mais si le remède est plus néfaste, c’est la faute du gouvernement : c’est lui qui le rend pire. Pourquoi ne parvient-il pas davantage à projeter et à organiser des réformes? Pourquoi ne chérit-il pas sa minorité de sages? Pourquoi crie-t-il et se débat-il avant d’être frappé? Pourquoi n’encourage-t-il pas les citoyens à se tenir sur le qui-vive pour déceler ses propres erreurs? Pourquoi ne les pousse-t-il pas à faire mieux que ce qu’il leur demande? Pourquoi, toujours, crucifie-t-il Jésus, ex-communie-t-il Copernic et Luther, déclare-t-il Washington et Franklin rebelles?» (D. Thoreau. ibid. pp. 41-42). Même si le texte de Thoreau s’arrêterait là, nous aurions déjà la légitimité qui impose la désobéissance civile devant un gouvernement qui gère mal les taxes et les impôts qu’il prélève sur ses citoyens par contrainte. Cette demande est venue tardivement dans le conflit qui oppose les étudiants au gouvernement, et il est loisible de penser qu’il ne s’agit-là, pour eux, qu’un autre enjolivement chargé de cacher la saleté du conflit d’argent qui est au cœur de l’affrontement.

Mais Thoreau est un homme intelligent qui ne s’en laisse pas passer. Si l’injustice parvient à triompher à travers la démocratie, protégée par la Constitution et les rouleaux de parchemins légaux et ignore les sages qui sont laissés à l’exclusion, c’est précisément parce que l’État a une certaine conception du citoyen qui l’autorise à se comporter avec toute la morgue, le mépris et la corruption possibles. «Je n’ai pas payé la capitation depuis six ans, ce qui m’a valu une nuit de détention. Tandis que j’étais là, à observer les murs de grosses pierres épais de deux ou trois pieds, la porte de bois et de fer épaisse d’un pied, et la grille de fer qui filtrait la lumière, je ne pus m’empêcher d’être frappé par la sottise de cette institution. Voilà qu’elle me traitait comme un simple amas de chair, de sang et d’os qu’il fallait enfermer. Sans doute avait-elle conclu à la longue que je n’était bon qu’à cela et n’avait-elle jamais songé à se prévaloir autrement de mes services. En fait, un mur de pierres me séparait bien de mes concitoyens, mais un autre mur plus difficile encore à escalader ou à percer les séparait, eux, d’une liberté aussi grande que la mienne. Pas un seul instant, je ne me sentis enfermé, et les murs me parurent un énorme gaspillage de pierres et de mortier. Il me semblait être le seul citoyen de la ville à avoir payé ses impôts» (D. Thoreau. ibid. p. 50). Bien sûr, Thoreau ici ironise sur son cas en dénonçant la bêtise avec laquelle sont gérée les impôts des citoyens. Tant pis pour eux, à quoi bon gueuler lorsqu'on se refuse à ouvrir le regard? «En me menaçant comme en me complimentant, ils commettaient un impair, car ils croyaient que mon désir le plus chair était de me trouver de l’autre côté du mur. C’est pourquoi je souris en voyant avec quelle attention ils refermèrent la porte sur mes méditations : elles seules, vraiment, étaient dangereuses, et pourtant elles sortirent tout à fait librement à leur suite. Faute de pouvoir m’atteindre, ils avaient résolu de punir mon corps. On aurait dit des petits garçons qui, incapables de mettre la main sur la personne à qui ils en veulent, maltraitent son chien. L’État m’apparut comme un imbécile, aussi peureux qu’une femme seule avec son argenterie. Il ne savait pas distinguer ses amis de ses ennemis. Ce qui me restait de respect pour lui disparut, et je le pris en pitié» (D. Thoreau. ibid. pp. 50-51). Décidément, il avait du nez ce Thoreau. À plus d’un siècle de distance, il pouvait déjà renifler le parfum cheap de Line la Pas Fine, terrorisée, serrant contre elle son «argenterie»…

Il va sans dire que, dans le contexte actuel, Thoreau nous en donne plus que pour notre argent! «Ainsi l’État n’affronte-t-il jamais intentionnellement l’esprit ni le sens moral d’un homme, mais seulement son corps, ses sens. Sa supériorité réside non pas dans son intelligence ou dans son honnêteté, mais dans sa force physique. Or je ne suis pas né pour la contrainte; je respirerai à ma guise. Mais qui donc est le plus fort? Quelle force possède une multitude? Seuls peuvent me contraindre ceux qui obéissent à une loi supérieure à la mienne. Ceux-là me forcent à devenir comme eux. Mais je connais aucun homme qui soit contraint de vivre de telle ou telle manière par des masses. Quelle sorte de vie serait-ce là? Si un gouvernement me dit “La bourse ou la vie!”, pourquoi m’empresserais-je de lui remettre mon argent? Peut-être est-il aux prises avec d’énormes difficultés et ignore-t-il quoi faire, mais je n’y peux rien. Qu’il se débrouille, comme moi; inutile de pleurnicher là-dessus. Je ne suis pas responsable de la bonne marche de la machine sociale. Je ne suis pas le fils de l’ingénieur… (D. Thoreau. ibid. p. 51). En effet, si l’État, captif des milieux financiers qui sont en même temps sa clientèle, ne peut parvenir à gérer la machine sociale, il n’a qu’à se prendre à lui-même. Ainsi, les politiciens comprendront-ils que la tentation de la corruption a son prix et qu’ils ne peuvent pas toujours le refiler à la population. La désobéissance civile devient la seule et unique stratégie pour dresser contre l’État un contre-pouvoir capable de l’assainir et de le purger de ses mauvais penchants. C’est ce que la psychologie primaire de Mme Beauchamp aura sans doute de la difficulté à comprendre.

Enfin, Thoreau posait la question qu’on ne cesse de se poser depuis: «La démocratie telle que nous la connaissons est-elle pour autant la forme la plus achevée de gouvernement? N’est-il pas possible d’avancer encore dans la reconnaissance et l’organisation des droits de l’homme? Pour être vraiment libre et éclairé, l’État doit reconnaître que l’individu possède un pouvoir supérieur et indépendant dont lui-même tire toute son autorité et tout son pouvoir propres, et il doit traiter l’individu en conséquence. Je me plais à imaginer un État qui pourrait enfin se permettre d’être juste envers tous et traiterait l’individu avec autant d’égards qu’un voisin; un État qui ne jugerait pas contraire à sa tranquillité que quelques-uns vivent à l’écart, sans se mêler à lui et sans qu’il les embrasse, tout en se comportant bien avec leurs voisins et leurs semblables. L’État qui me porterait un tel fruit et accepterait de le voir tomber dès sa maturité ouvrirait la voie à cet État encore plus parfait et glorieux que j’ai aussi imaginé, mais que je n’ai encore jamais vu nulle part» (D. Thoreau. ibid. p. 64). Cet État, nous l’attendons toujours.

Rien, dans les rapports entre gouvernés et gouvernants n’a vraiment changé depuis ce temps. Les principes restent les mêmes, seules les modalités ont changé. Voilà pourquoi, autant que sous la présidence de Jackson aux États-Unis, la démocratie fonctionne sur la corruption d’échanges d’enveloppes brunes et de promotions à des conseils d’administration. Lisa Frulla, toujours aussi hystérique, défendait-là le seul moyen dont les partis pouvaient trouver du financement pour leurs campagnes électorales. C'était se faire, contre la désobéissance civile, la porte-parole de la servitude volontaire. Dans la capacité de faire rouler la machine gouvernementale, cela donne des hommes et des femmes «impurs», faisant passer le bien publique après les intérêts de groupes privilégiés et, par le fait même, l'asservissement de tous à une machinerie dysfonctionnelle. Au moment où les scandales éclaboussent les apparatchiks du Parti Libéral et certains députés, la grève - la désobéissance civile - des étudiants nous rappelle à tous les leçon de Thoreau.

Cette leçon de haute démocratie, de l’inaliénabilité des droits de l’homme et du respect de la conscience individuelle, c’est avec ignominie que, pour faire dérider ses hommes d’affaires, requins de la finance, dont il caresse les museaux pour financer son plan Nord, le premier ministre Charest s’est permis une farce de mauvais goût à quelques jours où son modèle, Sarkozy, mordrait la poussière au premier tour de scrutin des présidentielles de France. Line avait réussi, elle, à débaucher les étudiants de la FECQ tandis que la Classe, dénonçait, du bout des lèvres, l’usage de la violence. L’important, pour le ministère mais non pour les étudiants, maintenant, c'est une rencontre au sommet. Cette rencontre qui ne donnera rien puisque les étudiants et la ministre ne peuvent décider seuls des réaménagements de la gestion des universités (sans les recteurs? sans les professeurs? sans les chargés de cours?), n’est que de la poudre aux yeux pour satisfaire à une population qui en a assez de payer l’impotence de ce gouvernement qui ne sait pas où il s’en va et qui ne s’en préoccupe pas, pourvu qu’il sache dans quelles poches l’argent de l’État doit s’écouler.

Lorsque le gouverneur Vaudreuil-Cavaignal dut décider de la reddition des troupes françaises devant les troupes anglaises du général Amherst, il demanda que les troupes françaises obtiennent les honneurs de la guerre malgré la défaite, ce que Amherst s’empressa d’accepter. C’était du temps où n’existait pas de démocratie, mais où, malgré le despotisme dénoncé, il y avait encore de la dignité et de la politesse entre vainqueurs et vaincus. À l’avant-veille du jour où les étudiants déposeront les armes, la ministre, par vengeance et mépris, veut la reddition sans conditions (c’est-à-dire sans renégociation de l’augmentation des frais de scolarité) et sans octroi des honneurs de la guerre (qui fut, en vérité, le plus beau conflit depuis bien des années) à ses adversaires. Honte au gouvernement Charest. Depuis Duplessis, il a su montrer jusqu’à quel niveau d’infâmie et de bassesse le gouvernement du Québec était prêt à descendre pour maintenir son système de corruption et de détournement de la démocratie. Avec lui, ous méritons bien de nous noyer dans notre haine de soi collective⌛
Montréal
23 avril 2012

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