jeudi 23 octobre 2014

Les événements d'octobre


Le Parlement et les endroits où ont été commis des gestes «terroristes».
LES ÉVÉNEMENTS D'OCTOBRE

L'amplification des mots, des images, des slogans atteint un niveau qui dépasse la réalité, sinon l'entendement. Toute la journée du 22 octobre 2014, comme aux jours bénis du 11 septembre 2001 où les média ont découvert que les bulletins d'information pouvaient être aussi du grand spectacle, les réseaux de télévision n'ont cessé de montrer en boucles les rares prises de vues de l'attentat commis au Parlement d'Ottawa. À entendre, à voir les journalistes se pâmer sur ces événements, malheureux certes, j'avais l'impression de me retrouver au moment d'un désastre universel. Patrice Roy, à Ici Radio-Canada, ne cessait de répéter qu'aujourd'hui marquait «la perte de l'innocence» du Canada. Et des Canadiens, va sans dire, car le Canada sans les Canadiens, ça n'existe pas. Bien entendu, personne ne se demandait depuis quand le Canada était un pays «innocent», lui qui n'a cessé de fabriquer des armes, dont les terribles mines anti-personnelles, pour les vendre aux acheteurs du monde entier. Mais, reconnaissons-le, ce n'était qu'une des sottises lancées sur les ondes et il dut y en avoir beaucoup que j'ai manquées tout au long de cette journée.

Tel fut l'interminable spectacle avec lequel on nous a gavé pour susciter colère, révolte, indignation, mais rien de véritablement critique ou d'intelligent. Seulement des «émotions à fleur de peau», comme le promet la publicité du Théâtre Jean-Duceppe! Après tout, toute cette agitation était-elle si différente d'un téléroman? Qu'a-it-on vu? Qu'a-t-on entendu? Beaucoup de bruits, beaucoup de rumeurs. On a sans cesse recrée le fil des événements. Un peu passé 10 heures du matin, voici un type chevelu avec un foulard palestinien dissimulant la moitié du visage. Il tire - on apprendra plus tard qu'il l'a tué - un soldat qui fait la garde d'honneur devant «le plus noble monument» d'Ottawa, comme dira en soirée le Premier Ministre Harper. Puis, du cénotaphe à la mémoire du Soldat Inconnu, le voilà qu'il pénètre par la grande porte du Parlement fédéral en déchargeant son arme d'épaule. Il blesse un gardien de sécurité à la cheville. Plus tard, on verra les agents de la Gendarmerie Royale du Canada entrer et suivre le grand corridor qui mène à la bibliothèque du Parlement. Là, on entend une véritable mitraille que l'écho des colonnes néo-gothiques de l'édifice répercute comme si on était en plein champ de tirs. Le quidam est finalement abattu par un sergent d'armes. Dans les faits, rien de plus. Tout le reste n'est que bavardages. Tantôt, l'assassin a un, puis deux complices. On entend des coups de feu dans un centre commercial tout proche. Tous les édifices de la colline parlementaire sont invitées à se barricader et à ne laisser ni entrer, ni sortir personne. Ottawa est à toute fin pratique une cité assiégée.

Évidemment, Patrice Roy n'en sait pas plus que ses téléspectateurs. Il a avec lui des invités, journalistes ou commentateurs, qui remplissent le temps, comme au soir de l'attentat contre Pauline Marois. Son vis-à-vis est le criminologue Stéphane Berthomet - qui a remplacé Michel Juneau-Katsuya, à qui TVA a offert un meilleur contrat et qui a joué le même rôle auprès de Pierre Bruneau -, pour remplir le vide d'information. Il alterne avec Emmanuelle Latraverse qui étire le temps en répétant des lieux communs sur la vie parlementaire les mercredis matins. Pendant ce temps, on voit des policiers, pistolets à la main, courir dans toutes les directions. On voit des cordons jaunes érigés pour bloquer les rues. Un journaliste de la maison est pris dans une alcôve - c'est-à-dire derrière une colonne -, et répète ce dont il a été témoin - il a vu le tireur passer, c'est tout. Enfin, une communication. Avec le trépident sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, qui nous dit qu'il est, avec ses collègues du caucus conservateur, enfermé dans une salle où les gardiens de sécurité leurs ont dit de ne pas bouger. On les devine, enlacés, comme ces petits singes en peluche enlacés. Le Premier Ministre Harper a été évacué dans un endroit protégé, se pressant au plus vite de sortir au point même que ses propres gardes du corps devaient peiner à le rattraper. Détaler comme des lapins ou enfermés comme des rats, voici comment les démocrates entendent mourir pour la patrie.
Évidemment, tant qu'on aura pas meilleure information, on rappellera les incidents de la veille, à Saint-Jean-sur-Richelieu, mon patelin d'origine, où un détraqué qui, dans le stationnement d'un centre d'achat, a foncé sur deux soldats qui allaient manger un beigne au Tim Hortons tout à côté. L'un des soldats est mort, l'autre blessé. Une chasse à l'homme menée par la Sûreté du Québec s'en suit. La fourgonnette du tueur se renverse dans un fossé, l'abruti sort avec son couteau en lançant des phrases célébrant Allah! Là encore la police mitraille ce martyre qui doit s'amuser en ce moment avec les 72 vierges qui le reçoivent au Paradis. Tout cela est ridicule. Tout cela est pathétique. C'est une programmation de mauvais goût le plus indigeste qui soit.

Car après tout, que doit-on comprendre de tous ces événements? Deux convertis à l'Islam; des fanatiques qui auraient voulu combattre dans l'armée du califat (sic!) de l'État islamique, se trouvent bloqués par la saisie de leur passeport par la Gendarmerie, décident de pratiquer la guerre en tuant des soldats ici même, au Canada. Ils sont frustrés de ne pouvoir rejoindre ces tueurs, ces assassins, ces psychopathes du monde entier rassemblés en Syrie et en Irak, qui violent, qui mutilent, qui torturent et qui massacrent présentement les Kurdes pour la vérité d'Allah - qui est, comme par coïncidence -, la leur. Aussi, isolés dans leurs ressentiments personnels, ils décident de tuer des pions. Car, disons-le, le soldat qui s'en va prendre son café Tim Hortons ou le pion placé symboliquement devant le cénotaphe ne sont rien dans l'ensemble des forces qui confrontent le pays avec la situation internationale. C'est sans doute triste et épouvantable pour les parents et amis des deux victimes, mais politiquement, cela n'empêchera rien de rouler comme à son ordinaire. 

L'assassin de Saint-Jean-sur-Richelieu, Martin Couture-Rouleau qui, converti à l'islamisme radical, était devenu Ahmad Rouleau (on devine les plaisanteries : Ahmad Rouleau à peinture, Ahmad Rouleau à asphalte, Ahmad Rouleau à pâte, Ahmad bigoudis - demandez à Sam tous les jeux de mots qu'on peut faire avec Hamad -, ce n'est pas pour rendre sa cause plus sérieuse). L'autre converti, Michael Zahaf-Bibeau est fils d'une fonctionnaire à l'immigration à Ottawa et d'un père d'origine syrienne, ancien restaurateur à Montréal, et détenteur de quelques casiers criminels (affaires de drogues) à Vancouver et à Montréal. Rien d'édifiant là non plus. Alors? Si ce n'est pas pour les 72 vierges, pourquoi ces fous de la gâchette se mettent-ils à tuer des pions pour se faire ensuite mitrailler par les policiers canadiens?

Il est inutile de chercher l'action d'un quelconque réseau derrière tout cela. Ces têtes brûlées n'agissent que par eux-mêmes et pour eux-mêmes. Comme dans un jeu de dominos, ils s'encouragent les uns les autres. Il est certain que le gouvernement Harper, avec son goût pour le militarisme et les terroristes, a tout intérêt à monter l'affaire en épingle et souhaiter la prolifération de cette peste islamique. Une mitraillade au Parlement, ça vaut mieux qu'un coup de pied de Magnotta! Et pourtant! Nous sommes bien loin des trois morts et des treize blessés de l'attentat du caporal Lortie au Parlement de Québec, le 8 mai 1984. À part le soldat tué devant le cénotaphe et le gardien de sécurité blessé, il n'y a pas eu d'autres morts que l'assassin. Et pourtant! En 1984, on ne disait pas que le Québec «sortait de l'innocence»!

Patrice Vincent, frappé mortellement à St. Jean-sur-Richelieu
Avouons-le nous une fois pour toutes, les Canadiens n'ont pas la fibre terroriste. S'il s'en trouve parmi eux de prêts à donner leur vie pour une cause, ils le feront à l'intérieur d'un cadre militaire bien précis. Les réseaux terroristes, ça ne marche que dans les films américains. Al-Quaïda est un nom donné à un ramassis de musulmans de diverses provenances, en Afrique ou au Moyen-Orient et de plus en plus d'Europe et d'Amérique du Nord; une réalité a posteriori à des événements isolés que l'on a associé pour faire peur à l'Occident. Après, il suffit d'investir ces délires dans notre conscience paranoïde pour donner une emprise à ce croque-mitaine qui n'est pas très loin d'une simple légende urbaine. C'est facile de récupérer des événements épars, comme le geste de Rouleau et celui de Bibeau, les revendiquer et dire qu'ils ont agi pour la plus grande gloire d'Allah! Et que les Canadiens peuvent maintenant craindre puisque leur idiot de Premier Ministre a déclaré la guerre à l'État islamique, qui n'est pas un État et encore moins un califat et n'a d'islamique que la rhétorique pour justifier des camés, des meurtriers, des violeurs et des
psychopathes qui se ramassent en Syrie et en Irak, outillés d'armes qui viennent de Russie ou même de pays occidentaux. Que les journalistes relaient ces informations - qui n'en sont pas -, ajoutent les commérages de
Nathan Cirillo, tué devant le Cénotaphe d'Ottawa
leurs «experts», et l'on devrait être tous à nous barricader dans nos demeures. Or, le même après-midi où se déroulait l'affaire d'Ottawa, je me promenais sur les trottoirs d'une rue commerciale de Montréal, et les gens - qui ne pouvaient pas ignorer ce qui se passait depuis le matin à Ottawa -, n'avaient guère l'air d'en discuter. Ils vaquaient à leurs affaires comme n'importe quel autre jour. Les visages n'étaient pas sombres, comme aux lendemains du 11 septembre. Tout ça leur tombait dessus comme l'eau sur les plumes d'un canard. Pour cette raison, il est important d'écarter les récits ampoulés des média et considérer, pour les terroristes, que les deux pions qu'ils ont tué sont morts pour rien.

Il y a un art de la terreur. Les États procèdent généralement par des mesures extraordinaires; policières, militaires, judiciaires mais toujours arbitraires. La Terreur rouge comme la Terreur blanche sont des terreurs d'État. Mais le vrai terrorisme individuel est celui, imprévisible, ciblé, stratégique. Voilà pourquoi j'ai toujours admiré ces anarchistes du tournant du XXe siècle qui ne niaisaient pas avec le puck. Entre 1890 et 1910, des rois, une impératrice, des premiers ministres, deux présidents de République sont assassinés par des anarchistes isolés. Ces chefs d'État aussi étaient entourés d'une forte sécurité, protégés souvent par des cotes de mailles, isolés des foules. Pourtant, des individus souvent chétifs, parfois tuberculeux comme les deux assassins de l'archiduc François-Ferdinand à Sarajevo en 1914, sociopathes le plus souvent, parvenaient à toucher leur cible avec une arme relativement facile à dissimuler. Voilà pourquoi les chefs d'État n'étaient jamais sûrs lorsqu'ils sortaient pour se rendre à une séance du Parlement, à un garden party ou tout simplement en rentrant chez eux le soir, se demandaient s'ils y arriveraient vivants! Si, aujourd'hui, il est si facile de sauter la clôture entourant la Maison Blanche ou d'entrer dans un parlement, aucun président ni premier-ministre n'est tombé sous les balles d'un terroriste ou la lame d'un djihadiste.

Voyez ces fiers anarchistes à l'œuvre! Caserio qui quitte la file contenue des spectateurs, parvient à poser le pas sur le marche-pied du landau présidentiel et plonger son poignard dans le corps du président Sadi-Carnot à Lyon en 1894. Un coup parfait. Et Czolgosz, le pistolet dissimulé dans son mouchoir sensé couvrir une blessure à la main, tirer dans le bide du gros président McKinley. Pas de niaisage là non plus! Les cibles étaient visées par les assassins. Parfois, il s’agit de pur hasard, comme lorsque, déçu de ne pouvoir trouver de cible célèbre, Luigi Lucheni, bouscule l’impératrice Élisabeth, sur un quai à Genève, la poignardant au cœur. La victime ne s’est aperçue qu’à bord du bateau qui avait quitté le quai qu’elle était en train de se vider de son sang! Bien sûr, le petit ouvrier Lucheni n’était qu’un obsessif, mais son crime n’en était pas moins politique. Le roi Humbert Ier d’Italie est abattu, non par un Italien de chez lui, mais par un Italien venu expressément des États-Unis, du New Jersey plus précisément, Gaetano Bresci. Derrière tous ces «fous» demeurent pourtant des vengeurs de l’oppression des classes laborieuses, des lois anti-sociales, ou du moins anti-socialistes. Et le Canada? Épargné dans son innocence? Nenni. il a fallut qu’un fenian, Patrick James Whelan, pour se glisser derrière Thomas d’Arcy McGee - l’un des Pères de la Confédération! - et lui tirer une balle de pistolet dans la nuque pour que le premier acte terroriste contemporain se déroule au Canada. Il mourra dans les bras de John A. Macdonald qu’il venait à peine de quitter. D’ailleurs, tout au long de cette journée du 22 octobre, on pouvait voir les policiers tournoyer autour de sa statue érigée sur la colline parlementaire! Évidemment, aujourd’hui, personne ne pensait à lui pour rappeler qu’il s’est commis des actes de terrorisme au Canada (souvent visant un ambassadeur étranger, tel celui de Turquie par un Arménien, il y a quelques années)! C’était nouveau. C’était inusité. C’était enlevant. Il se passait enfin quelque chose de sérieux à Ottawa. 

Cette inhabilité s’était déjà vue lors des événements d’Octobre 1970. Pouvez-vous m’expliquer qu’allait faire cet imbécile de Lanctôt avec ses jeunes petits-bourgeois du groupe terroriste F.L.Q. (Front de Libération du Québec) en allant enlever un attaché commercial de bas niveau? Dénoncer le symbole de l’oppres-
sion britanni-
que? Voyons donc! Dans ce cas-là on enlève un consul ou un ambassadeur, comme il se faisait en Europe ou en Afrique du Nord lors de la décolonisation! Un attaché commercial, c’était peu risqué pour nos terroristes d'opérette. Les terroristes québécois sont un mélange paradoxal de courage et de couardise, à l’image de tous les oxymorons baroques qui caractérisent tant notre peuple. Courage, car ça en prend pour foncer sur deux soldats et entraîner derrière soi une cohorte d’autos-patrouilles en sachant qu’on ne sortira pas vivant de cette situation, comme «Ahmad» Rouleau! Mais il faut être en même temps peureux pour ne pas cibler rien de mieux que deux soldats allant aux beignes! 

Même les frères Rose, qui ont commencé par «revendiquer l’exécution» de Pierre Laporte, moins d’un mois après l’enlèvement de l’attaché commercial Cross, ils ont dû faire machine arrière en avouant que c’est par accident que le ministre libéral était mort, s’étouffant avec la chaîne au cou par laquelle les deux «assassins» tentaient de le retenir tandis qu’il essayait de se libérer de ses agresseurs. L’inaptitude et l’incompétence aux gestes terroristes ne pouvaient trouver aveu plus grotesque. Voilà pourquoi l’UQAM a sans doute engagé plus tard «l’exécuteur» pour donner des cours en travail social!

Un terroriste intelligent sait qu’on ne frappe pas une population au cœur, et encore moins un État. Car l’État n’a pas de cœur. Il est ce «monstre froid» dont parlait Nietzsche! Voilà pourquoi les dictateurs, les faiseurs de pronunciamiento ou les commanditaires de coups d’État, depuis Jules César jusqu’aux généralissimes Franco et Pinochet, ces Dupond-Dupont de la torture sadique, savent qu’un État, ça se décapite. C’est la tête qu’il faut viser. Les bourgeois de la Révolution anglaise comme de la Révolution française ont obtenu l'abaissement du despotisme avec les têtes de Charles Ier et de Louis XVI; Lénine et les Soviétiques ont fait assassiner froidement le Tsar et toute la famille impériale. Nos anarchistes, plus haut, ne visaient pas des soldats ou des policiers, mais des rois et des présidents. Certes, la réaction ne se faisait pas attendre. Après l’assassinat de Sadi-Carnot, le nouveau président français, Casimir-Périer, fit voter les lois intolérables; le nouveau président, Théodore Roosevelt, qui succéda à McKinley, fit régner la terreur de son gros bâton contre les organisations syndicales et anarchistes, comme l’International Worker of the World, l’I.W.W. Macdonald ne s’inquiétait pas d’une rébellion populaire des Canadiens puisque Phelan avait tué McGee parce qu’il l’accusait d’avoir trahi la cause de l’indépendan-

ce irlandaise. Les événe-
ments d’octobre 1970 ont créé une situation qui a sidéré les Québécois pour les cinq années suivant les grandes rafles de l’hiver 70. Mais en 1976, ils portaient un gouvernement indépendantiste au pouvoir. Ce qui est venu après, c’est une autre histoire.

Voilà pourquoi je dis que nous assistons depuis quelques jours à un ensemble de gestes erratiques, sans aucune véritable planification d’une quelconque organisation occulte. La facilité avec laquelle Stephen Harper lui-même a laissé les Canadiens s’équiper d’armes d’épaule, en relâchant le cordon du registre des armes à feu, le sert maintenant, même si un malheureux soldat y a perdu la vie. Les coupures de financement aux services policiers a également permis à Rouleau de s’enfuir dans la nature après avoir menti sur un retour sur sa foi islamiste. S’il y a un responsable de tout ce qui vient de se passer, c’est lui. Ce sont ses politiques, tant intérieures qu’extérieures, qui ont permis que de tels crimes se passent sous nos yeux. Ce n’est pas l’innocence que le Canada vient de perdre, c’est la campagne électorale de l’an prochain que Harper vient de gagner en misant sur la démagogie des poubellistes de radio, de télévision et de journaux. Et en cela, tous les Canadiens sont effectivement les perdants

Montréal
23 octobre 2014



1 commentaire:

  1. Excellent texte encore une fois monsieur Coupal.Tout ça arrange tout ce qui s'appelle force de sécurité et c'est toujours une mauvaise nouvelle.
    Daniel D

    RépondreSupprimer