vendredi 24 août 2012

Le massacre de Septembre 2012

 

LE MASSACRE DE SEPTEMBRE 2012

À plus d'une semaine du tour de chaise musicale électorale, il faut se dire que trois grandes menaces planent sur le Québec. Enfermé entre trois murs qui lui obstruent le regard sur le monde, le premier de couleur rouge-abcès, le second bleu-délavé et le troisième psychédélique magicmushrooms, la situation objective n’est rien de moins qu’une distorsion du regard sur soi et sur le reste du monde. Car c’est bien derrière ces trois murs que se déploient trois menaces existentielles pour l’avenir du développement de la société québécoise. D’un côté la menace de la crise du capitalisme, de l’autre le morcellement de la mondialisation avortée, le troisième le conservatisme canadien de Harper, avatar du républicanisme américain.

Passons rapidement sur le niveau des apparences partisanes. Elles dressent devant nous des fixations publicitaires qui cherchent à détourner le regard de l'essentiel, comme on se sert de la corruption que l’on prétend extirper sans penser en démanteler le fondement, c’est-à-dire le système capitalisme qui la génère; la hantise, que plus personne ne prend au sérieux sauf les imbéciles, d’un référendum prochain sur l’indépendance du Québec; enfin la chasse aux médecins de familles qui sont déjà-là et des congédiements en masse à venir afin de fournir les petits entrepreneurs en personnel sous-payé. Tous ces discours sont en dehors des rapports du Québec avec la réalité mondiale. La démagogie, une fois de plus, tire les Québécois hors de leur présence au monde pour les ramener dans leur confortable esprit de paroisse fermé sur lui-même et ses obsessions morales hypocrites et auto-complaisantes.

Un retour de la crise financière et les dommages liés à l’économie.

La première menace est la crise économique mondiale, dont celle de 2008 n’aura été qu’une répétition. À la bulle financière de 2008 construite sur des produits financiers dérivés constitués de rachats de dettes et de spéculations frauduleuses, bulle qui fut sur le point d’entraîner avec elle l’économie productive, nous voyons se gonfler de nouvelles bulles financières à partir d’investissements massifs dans des compagnies liées aux nouveaux média. En particulier les média sociaux. Le succès des média sociaux, partout à travers le monde, a laissé supposer qu’ils pouvaient se placer en bourses et faire fructifier des parts lancées massivement sur le marché. C’est ainsi que l’expérience Facebook a démontré que le succès de consommation n’assurait pas automatiquement un succès spéculatif.

Qu’est-ce à dire sinon que ni les fraudeurs, ni les spéculateurs honnêtes, ni les gouvernements, ni la population imbue de pensée économique magique, n’ont appris quoi que ce soit de la crise de 2008. C’est toujours à recommencer. Or, 2008, c’est l’élection du gouvernement libéral de Jean Charest majoritaire sur un taux de participation réduit, le plus faible jamais enregistré depuis 1927. Son pouvoir s’est donc construit sur le désastre entraîné par les mobsters à cravates, et là reposent les racines des malversations dont on soupçonne son gouvernement. C’est dans l’étroite relation entre ces mobsters et les gouvernements, aux États-Unis, en Europe, au Canada et au Québec, que réside le mal profond, et non les magouillettes de garderies à la Thomassi et à la Courchesne. De même la légitimité relative et discutable d’un coup de force comme celui de la loi scélérate 78 mérite d’être interrogée sur la sincérité démocratique d'un Parti qui en appelle à sa majorité fragile qu'il refuse, d'une autre voix, d'accorder aux résultats d'un éventuel référendum sur la souveraineté du Québec. Le gouvernement Charest n'est pas un gouvernement démocratique;  c'est un gouvernement deux poids deux mesures. Aussi, entre le menu fretin qui fait la manchette des journaux et qu’on devrait traîner par le collet jusqu’aux oubliettes d’Orsainville et la minorité dominante qui creuse le tombeau de la santé économique québécoise, il n’y a aucune mesure de comparaison.

Ce qui se passe est assez simple dans le fond. Prenez un ou plusieurs mobsters à cravates. Vous les faites magouiller autour de produits dérivés officialisés par la légèreté d’esprit de l’Autorité des marchés financiers comme par la manque de prévoyance critique de la Caisse de Dépôt et Placement. Les banques, les caisses gouvernementales, les caisses populaires mêmes, les conseillers en placement, les actuaires… feront la promotion et vendront ces produits financiers miracles qui sont le résultat du gigantisme des investissements, des taux d’intérêts et de la régression économique. Ce commerce de papiers sans valeurs pour d’authentiques sommes d’argent poursuit l’échange de valeurs virtuelles symboliques en valeurs réelles économiques. La valeur d’échange prend ici deux aspects : côté face, c’est la promesse de fort rendements d’intérêts conformes au mythe de la main invisible du marché; côté pile, c’est la fraude ou le vice caché de la transaction. Les petits épargnants se laissent prendre comme des poissons appatés par les vers. Tant que la bulle ne crève pas, c’est-à-dire que personne ne vient demander aux guichets des institutions financières ou des fonds gérés par les institutions gouvernementales, le retour des actions de papiers en monnaies sonnantes et trébuchantes, les illusions perdurent et l’escroquerie s’amplifie de nouveaux poissons. Quand les joueurs, par besoin de liquidité, se retirent du jeu, le temps de tirer les traites arrive, le côté pile se rabat sur le côté face, et épargnants, investisseurs, banques et gouvernements sont acculés à la faillite. Dans le cas des banques, surtout américaines qui sont comme on le sait des entreprises privées souvent avec des capitaux régionaux qui ne peuvent assumer les enflures boursières, celles-ci se mettent à tomber comme des dominos, refluant jusque dans les coffres des grandes banques d’envergure nationale. Si le système bancaire canadien a pu mieux résister au choc de 2008 que celui de nos voisins du Sud, ce n’est pas à cause des politiciens et de leur bonne ou mauvaise gouvernance, mais parce que le système bancaire canadien est national et donc a pu absorber le choc beaucoup mieux que le système bancaire parcellisé américain. Deux leçons peuvent donc être tirées de ce constat. D’abord, la gouvernance de Jean Charest et des Libéraux n’est pour rien dans la façon dont le Québec s’est sorti «favorablement» de la crise de 2008; la morale de cette crise : la centralisation a parfois du bon.

Comme le système économique dépend des réseaux financiers pour l'alimenter en liquidité afin d’opérer (dotation en infrastructure et en équipements, achat de matières premières, emplois, structuration de l’administration, etc.), il faut donc sauver les banques, et comme les principaux dirigeants de ces banques ont également des comptes à rendre à leurs actionnaires, il faut trouver un moyen d’arrêter l’hémorragie. Seuls alors les gouvernements ont un accès illimité à des capitaux assez importants pour leur prêter, à de faibles taux d’intérêt, la liquidité qui les sortira du trou et leur permettra de continuer à faire des opérations sur les marchés, entre producteurs et consommateurs. Où les gouvernements vont-ils chercher si facilement cet argent? Par le moyen des taxes et des impôts, des contraventions et des peines judiciaires, bref tout ce qu’un État peut légalement percevoir de la poche du citoyen et des contribuables sans que ceux-ci ne puissent leur refuser sans encourir le courroux des lois. Ces dettes bancaires sont vite associées à la dette nationale et chacun doit être mis à contribution afin de les rembourser. Aucun gouvernement n’aura l’impudence - sauf peut-être ceux de gros polissons comme Sarkozy et Berlusconi - de dire que c’est pour maintenir le train de vie des puissants de ce monde. On parlera de sauver la production industrielle nationale, «sauver des jobs», d’assurer une balance commerciale positive, d’épargner des mesures encore plus sévères de contraintes économiques que, de toutes façons, la gouvernance n’hésitera pas à appliquer.

Si quelqu’un, un quidam, décide de faire le méchant, comme Thoreau, et de refuser de payer ses taxes, ses impôts ou autres frais d’augmentation décidés par les gouvernements - comme les frais de scolarité au Québec -, c’est alors la désobéissance civile, qui scandalise les dirigeants affolés, mais qui est visiblement un signe de maturité démocratique, car alors transparaît la fonction réelle du droit dont la face cachée émerge soudainement à la vue de tous. Abusant du processus législatif, le gouvernement place le commun des mortels dans la seule position où il n’a pas d’autre recourt que se soumettre. D’où que le gouvernement peut opérer des ponctions, en commençant par la masse silencieuse, amorphe, blasée ou terrorisée par l’idée de perdre sa réputation morale si elle est démise par une arrestation policière et une condamnation judiciaire. Viennent ensuite les «contributions volontaires». Tous ces beaux billets de banque perçus à travers l’Hydro-Québec, la Loto Québec, la Société des Alcools, les frais en permis de toutes sortes, plus les 130 quelques journées où vous aurez à travailler sans toucher un seul sous pour expédier tout ça dans les coffres de Revenu Canada et de Revenu Québec, ne paieront plus pour ce que le gouvernement est sensé vous rendre en services. Car, simultanément, ces services pour lesquels ces perceptions étaient allouées ne seront plus donnés où médiocrement accessibles. Bref, c’est la population entière qui est chargée de payer les pertes d’une infime minorité de spéculateurs filous et mobsters à cravates qui, eux, se placeront rapidement sous la loi de la protection des faillites ou encore en servant de donneuses en dénonçant les complicités sous garantie d’immunité. Après un procès spectaculaire où l’on mettra en scène une opération de justice aveugle et équitable, les coupables seront punis, les principaux agioteurs se verront contraints à des peines qu’un vulgaire petit voleur de banque n’aurait même pas droit de s’attendre. Avec une large partie des fonds déposés dans des abris fiscaux, au pays ou à l’étranger, le mobster se refait très vite, et il aura la chance de recommencer, même déjà derrière les barreaux, les magouillages financiers qui l’ont enrichi une première fois. Et c’est ainsi que le système financier, créé à l’origine pour «démarrer», comme le disait Rostow, l’économie nationale, n’est plus qu’un abcès, un cancer au pire, du système lui-même. La dimension magique de l’échange capitaliste est la base même de ces faillites, de ses crises et de l’incapacité des victimes de penser au-delà de ce qu’il pense être une nécessité naturelle.

Voilà comment le malheur voulut qu’au moment de la crise immobilière et financière de 2008, les corporations financières internationales aient demandé l’aide des fonds publics aux États. La Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l’organisation mondiale du commerce ont littéralement fait dans les pays occidentaux comme ils étaient habitués à le faire dans les pays du Tiers-Monde, c’est-à-dire prendre les gouvernements en otages. L’affrontement entre le duo France-Allemagne et la petite Grèce, insignifiante au niveau économique, est un produit de ces malversations à l’échelle mondiale. L’alliance tacite des mobsters et des Strauss-Kahn de ce monde promeut les bénéfices capitalistes privés au prix de l’appauvrissement des masses. Et les États, afin une fois de plus de sauver ce système pourri, se font plumer en plumant leurs populations pour renflouer les créanciers endettés. Et le jeu peut inlassablement recommencer. On ne vendra plus des hypothèques en cello, alors on se portera vers des secteurs où le hasard compte sur les succès commerciaux. C’est ce qui s’est passé avec la bulle Facebook. Après avoir été échaudés par la crise de 2008, les investisseurs qui se sont refaits, restent frileux devant tous ce qui apparait comme un «nouveau produit». Un bon vieil investissement dans le pétrole des sables bitumineux ou une exploration de gaz de schiste vaudra toujours mieux que dans des bébelles pour enfants. Qu’importe, à multiplier ces essais sans lendemains, la grosse bulle est remplacée alors par l’émergence d’une série de petites bulles qui finiront par causer autant de dommages à moyen et à long termes.

Par leurs asservissements et leurs complicités, aucun États, par le fait même aucun partis politiques, ne peut nous épargner les effets collatéraux de ces explosions de bulles financières tant le rendement et l’efficacité des produits financiers doivent s’accomplir sans retard. Le privilège accordé aux États de légiférer sur les budgets nationaux pour supporter ces jeux de hasards qui rassemblent autour du mythe de l’enrichissement virtuel excite la rapacité des petites gens tout comme celle des addicts des casinos. Tolérer cette course à l'enrichissement individuel au détriment de l'économie sociale, c'est le plus grand scandale de tout régime à prétention démocratique. Face à cette menace d’une seconde crise qui se profile, et sur laquelle nous reviendrons tantôt, les partis politiques mettent la sourdine. À peine les Libéraux en parlent-ils en vantant le fait que le Québec a moins souffert des dommages collatéraux de la crise de 2008 que les Américains et certaines autres provinces du Canada. Mais, nous l’avons dit, cela ne tient en rien à la gouvernance du Parlement québécois mais seulement à la structure du système bancaire canadien. Si le Québec avait gardé ce même système des banques locales que l’on retrouvait au tournant des XIXe-XXe siècles dans les différentes localités et régions du Québec (Banque d’Hochelaga, Banque de Saint-Hyacinthe, Banque de Saint-Jean, etc.), les résultats auraient été les mêmes, sinon pires qu’aux États-Unis. La centralisation bancaire entraîne certes des profits exorbitants et immérités aux gérants et aux actionnaires de ces banques. À leur façon, elles opèrent des détournements de fonds au nom de services payés plus d’une fois; mais par leur structure même, qui n’exclut aucune subversion du système ni des rapports à la clientèle, elles ont épargné aux Québécois les pires effets de la crise, ce qui n’empêche pas que bien des Québécois se sont sévèrement appauvris, surtout parmi ceux qui avaient investis leurs fonds de pension dans les aventures virtuelles des produits financiers dérivés. Or, si l’on se souvient bien du début du dernier mandat de Jean Charest, l’Autorité des marchés financiers fermaient volontairement les yeux sur la fausse valeurs des junk bonds tandis que le gros Henri-Paul Rousseau de la Caisse de dépot et de placement en achetait par pilles de ces produits dérivés avec l’argent puisé à même «le bas de laine» des Québécois. C’est l’éclatement de la bulle et le scandale financier étalé au grand jour qui plaça le gouvernement libéral devant l’incrédulité. Alors que Power Corporation offrait, sans doute en signe de reconnaissance de ses grandes compétences, un haut poste au gros Rousseau, à qui le gouvernement avait déjà donné une prime de départ de $380 000 pour une perte comptable de 39,8 milliards à la Caisse, il faisait un discours, le 9 mars 2009, devant la chambre de commerce du Montréal métropolitain sur son rôle dans les pertes de la caisse au bout duquel il reçut une ovation debout de la part des spectateurs! Il n’y a pas à dire, lorsqu’un pays est doté d’une grande bourgeoisie qui se plaît au jeu du cocu content, que peut-on imaginer de mieux? Avec les réformes apportées à ces deux organisme et la nomination de Michael Sabia comme garantie du redressement de la caisse, après quatre ans, celle-ci n’a toujours pas retrouver sa solidité qu’on lui prêtait avant que le gros Henri-Paul se fasse le naufrageur de la Caisse.

Tout cela ne doit pas nous échapper, car c’est l’escroquerie qui se profilait au moment où Charest a été porté au pouvoir voilà quatre ans et que tout le monde semble avoir oublié depuis! Après le temps où il a été minoritaire à l’Assemblée, puis ses quatre années de mandat majoritaire, les seules politiques que nous lui devons furent de réaménager les institutions liées au marché financier, qui lui échappait. En ce sens, il n’a pas appris depuis 2008 puisqu’il utilise le même impératif lancé par les corporations internationales financières : faire payer les populations par les taxes et les impôts les étourderies du marché financier dont la main invisible est tout simplement devenue folle. Entre cet abcès purulent et ses projets de dépenses pour le développement du Plan Nord qui serait une sorte d’assurance coloniale contre de telles étourderies, il ne peut que jouer du banditisme juridique, dont la loi 78 est un exemple mesquin mais qui illustre assez bien son choix de gouvernement, entre la population et sa minorité dirigeante bourgeoise menacée. Il plie comme tous gouvernements colonisés plient devant la terreur exercée par les corporations financières mondiales. Sachant que Charest est incapable d’apprendre les leçons des faits et n’a pas une pensée approfondie de l’économie; sachant que Pauline Marois n’est pas non plus suffisamment apte à se dresser devant les molosses de Genève et de Davos et qu’elle ira, comme René Lévesque jadis, faire sa première sortie officielle en faisant génuflexion devant les investisseurs new-yorkais tout en magasinant pour elle ses nouveaux tailleurs de Première Premier ministre du Québec chez Tiffany, nous n’avons aucune protection à attendre de ce côté-là. Tant qu’au comptable Gattuso de la CAQ, il sera si rapidement intimidé par les fournisseurs du Grand Capital qu’il en offrira plus qu’on lui en demandera et que cette fois-ci, nous n’échapperons pas aux effets de la spéculation hasardeuse. Nous ne pourrons pas empêcher ce qui reste de forces productives au Québec d’être emporté par les faillites, les complicités frauduleuses et les corruptions patronales-syndicales, au point que nous verrons Duchesneau lui-même faire à genoux son chemin de croix jusque sur la passerelle du yacht d’Accurso pour lui demander de l’excuser et de renouer de nouveaux contrats avec les instances provinciales et municipales. Ce sera le jour jubilatif du maire Tremblay. Donc, aucun des trois partis aspirants à prendre le contrôle de la province n’est en mesure ni de les protéger ni de respecter ses citoyens face à la crise financière qui pèse toujours comme une épée de Damoclès sur le développement futur du Québec.

Morcellement et déviation de la mondialisation.

La mondialisation n’est pas seulement le rêve de quelques puissances économiques mégalomanes. C’est un long processus amorcé depuis au moins l’ère des «grandes découvertes» de la fin du XVe siècle et qui a connu différentes étapes au cours de son développement. Le tout pourrait se résumer ainsi : la mondialisation, c’est l’unification planétaire sous la domination et pour les intérêts de la civilisation occidentale. Sa forme la plus simple, est celle qui était déjà utilisée par Christophe Colomb à l’égard des Taïnos des Caraïbes, c’est-à-dire échanger quelques clochettes d’étain et quelques bonnets rouges pour obtenir des kilos d’or et d’argent, puis s’accaparer des concessions où ces mêmes innocents devenaient astreints au travail servile. Dès le départ, la mondialisation fut érigée sur un développement inégal au niveau de la valeur d’échange. Lorsque les économistes libéraux de la fin du XVIIIe siècle lui firent la guerre, c’était dans la mesure où l’entretien des colonies par les différents États européens épuisait les trésors nationaux où les métropolitains aspiraient à investir les fonds dans le développement de l’industrialisation. Le colonialisme, au mieux, devait devenir une affaire privée. L’échec de la Compagnie des Indes orientales anglaise lors de la révolte des Cipayes en Inde (1857) força l’État britannique à prendre en main l’encadrement administratif et militaire du développement des colonies afin d’alléger le poids des frais de défense et d’entretien des garnisons.

La mondialisation s’est toujours nourrie des deux sens donnés au XVIIIe siècle au mot «commerce». D’abord comme échanges de produits, ensuite comme communication, les échanges d’informations, l’embrigadement idéologique aux valeurs occidentales, les traductions. C’est ainsi que catholiques et protestants se sont livrés à une véritable course aux conversions religieuses entre le XVIe et le XIXe siècles. Puis, les deux furent renvoyés à une position accessoire lorsque l’Église universelle du marché s’est structurée autour des professions de foi libérales. C’est à un anglais, Hobson, que l’on doit la théorie de l’impérialisme, au début du XXe siècle, théorie qui influença celle de Lénine qui lui ajouta son aspect eschatologique de «stade suprême du capitalisme». C’était prendre ses rêves pour la réalité. L’impérialisme était une mouture sophistiquée du libéralisme, dégageant les États occidentaux de la maintenance de l’ordre tout en conservant la servilité des colonies pour la porter sur les «rois nègres», agents intermédiaires entre les métropoles et les populations coloniales. Ce faisant, c’est à travers l’exportation des capitaux pour la monoproduction de plus en plus appuyée sur la mécanisation et visant des spécialisations agricoles ou de ressources naturelles que l’impérialisme renouvelait le poids de l’oppression économique. Bref, le reste de la planète devait être développée selon les besoins, les exigences et les nécessités (sinon, de plus en plus, les caprices avec le développement de la société de consommation de masse) des Occidentaux.

L’idéologie de la mondialisation, d’un vaste marché libre-échangiste à partir de la dernière décennie du XXe siècle n’est qu’une la nième mouture de ce long processus où l’on sent, avec le rétrécissement de l’espace par «l’explosion des communications», que l’acmé du développement est sur le point de se réaliser. Cette idéologie est une vision déformée de la réalité. Dans le fond, le vieux principe appliqué par Christophe Colomb demeure. Ainsi les redevances minières pratiquées au Québec depuis les origines du Canada sont un exemple de «clochettes en étain» données en retour pour des milliards en valeurs minières. Qu’une succession de premiers ministres de tous les partis aient consenti à une telle extravagance est scandaleuse en soi, et que les gouvernements du Parti Québécois et du Parti Libéral aient encouragé, pour le bien des Québécois (sic!) et la sauvegarde de jobs cette pratique humiliante si longtemps, est en soi un non sens. Ainsi, comme le disait Pierre Vallières, nos hommes politiques, notre personnel politique tous partis confondus, sont les nègres blancs de l’impérialisme appliqué au Québec, encore en 2012. Pire, ce sont le procès des minières fait par les écologistes et quelques groupes de pression qui ont révélé cette aliénation des ressources naturelles au détriment du bien de sa population. Le scandale est si grand que même l'impassible gouvernement Charest a dû céder aux implorations des minières elles-mêmes qu’atteignait la honte de payer des redevances à 5 ¢ la tonne le minerai exploité! Que le Parti Québécois fasse sa campagne électorale sur une revendication de la juste part des redevances des matières premières, mines ou pétrole, et que le Plan Nord du gouvernement libéral promette une plus juste rétribution des entreprises dans l’extraction des richesses naturelles, c’est dire le degré d’aliénation coloniale qui pèse encore sur une population, encore-là cocue contente, qui s’apprête à les réélire comme les meilleurs gardiens de ses intérêts économiques nationaux! Tout ce temps-là, la pressurisation en taxes et en impôts de la population québécoise a été pratiquée avec le même esprit d’iniquité, sinon de banditisme auquel les Taschereau et Duplessis nous avaient habitués dans le premier XXe siècle.

Mais la menace nouvelle ne vient pas de là. Elle vient que l’idéologie mondialiste a vu plus grand que la panse. D’un côté, le processus de mondialisation non seulement reste inachevé, tout en suscitant des réactions viscérales, de l'autre, des craquements ne cessent d'inquiéter sur la solidité des bâtiments. N’oublions pas qu’il a comme définition la domination du commerce et des communications culturelles par et pour les intérêts de la civilisation occidentale. C’est-à-dire que les ententes économiques de libre échange doivent se faire, en principe, sur le droit occidental, non seulement le droit commercial, mais également sur les principes du droit des gens issu du XVIIe siècle, puis ceux des droits de l’homme et du citoyen du XVIIIe. La démocratie n’est pas indispensable à ces droits, mais la liberté de circulation des hommes, de l’argent et des marchandises lui est fondamentale. Le nouveau missionnariat n’est plus christique, catholique ou protestant, mais laïque, consommateur et juridique. L’exemple du Mercosur, né du traité d’Asunción en 1991, dans le courant de l’ALÉNA nord-américain et du Marché Commun européen et qui vise à reconduire l’Amérique du Sud dans son ancienne géographie unitaire des colonies Ibériques des XVIe et XVIIe siècles, excluait au départ l’association avec tout pays occidental. Pour qu’il puisse survivre à la concurrence déchaînée que le commerce américain lui livra au cours des années 90, il fallut que «l’archipel» passe des ententes avec des nations des archipels occidentaux. Avec l’ALÉNA, via le Mexique et d’autres ententes nation à nation avec l’Union européenne, le Mercosur a pu s’imposer comme archipel économique tout en restant, doctrine de Monroe oblige, l’arrière-cour privilégiée des États-Unis.

Mais toutes les nations ne profitent pas également à l’intérieur d’un archipel économique. Il en va ainsi dans le Mercosur où, comme dans Animal Farm d’Orwell, certains cosignataires sont plus cosignataires que d’autres. Pour les puissances les plus développées, le Brésil, l’Argentine, le Vénézuela, l’entente peut être rentable, alors que le Paraguay et l’Uruguay, puissances économiques secondaires, deviennent facilement des «colonies» de leurs voisines. Il en va de même présentement en Europe où le «club Med», nom donné aux puissances méditerranéennes : le Portugal, l’Espagne, l’Italie et la Grèce, ne partagent pas la force économique des puissances septentrionales : la France et l’Allemagne. L’endettement du «club Med» pèse sur la balance commerciale de l'Europe unie, alors que la Grande-Bretagne vit elle-même une crise économique endémique. Le développement inégal, toujours pratiqué même entre États européens (la dépendance économique exclusive du Portugal à l’Angleterre date du XVIIIe siècle; la France a longtemps pesé d’un poids économique certain en exportant des capitaux vers l’Italie, la Russie et l’Autriche-Hongrie alors que son propre territoire prenait un retard dans son développement industriel sur sa voisine britannique), se révèle aujourd’hui entre deux groupes de puissances dont l’un tend à asservir l’autre en lui imposant des plans budgétaires qui tous contiennent des mesures d’austérité auxquelles les populations nationales hésitent ou refusent de s'astreindre. L’Unité européenne, malgré ses vantardises, apparaît désormais comme un de ces petits traversiers surchargés de passagers et qui menace de se renverser à tout moment sous la poussée de la houle.

Tout cela au moment où des puissances dites émergentes, l’Inde et la Chine en particulier, constituées à la fois d’une force démographique et d’une accumulation capitaliste capables d’assurer un «démarrage» capitaliste en force produisent aux plus bas coût afin de pratiquer, à leur tour et en revanche, un dumping sur les marchés occidentaux. La suprématie de la Chine n’était pas prévue dans la définition originelle de la mondialisation. Dans la mesure où la dette américaine se finance à même les prêts octroyés par Pékin, il y a là un avertissement sévère sur la fragilité même de l’hégémonie occidentale. L’allégorie du «tigre en papier» de Mao Tsé-Toung à l’égard des États-Unis prend aujourd’hui un tout nouveau sens.

Ce n’est pas le Mexique mais bien le Canada le maillon faible de l’ALÉNA. Le Canada plafonne à 35 millions d’individus contre les 107 du Mexique et les 314 des États-Unis, ce qui en fait le pays au taux démographique le moins élevé des tres amigos afin d’assurer l’autodétermination en termes de production et de consommation. Ses performances économiques, tant vantées par le ministre Flaherty, ne sont qu’un rapport de balance commerciale propre à sa densité de population et non à sa présence sur les marchés internationaux. Son «principal partenaire» d’affaires restant les États-Unis, il n’en est, en vérité, que son arrière-cour. La prise en main du développement économique par les États-Unis a toujours forcé les gouvernements canadiens qui se sont succédés à chercher de nouveaux débouchés commerciaux; avec l’Europe d’abord (et maintenant, l’idée d’une politique de libre-échange avec l’Europe unie prêchée par les Siamois conservateurs, Harper et Charest, va dans le même sens), puis avec les puissances du Pacifique, essentiellement la Chine, grosse consommatrice de minerais et de pétrole. C’est pour le confort de la Chine (1 344 130 000 d’habitants selon le recensement de 2011) et en partie aussi pour les États-Unis, que le Canada - et le Québec - vident le sous-sol de leur territoire pour le vendre aux prix de quelques «clochettes électroniques» à bas prix alors que le prix des aliments et des produits de base nécessaire à la vie ne cessent de croître sur les marchés.

Aucun parti politique québécois n’est vraiment préparé à affronter ce défi des craquements de la mondialisation. D’un côté elle vacille sur le flanc des puissances non démocratiques et dont tout le poids démographique jeté dans la balance risque d’astreindre le reste du monde à vivre par et pour les valeurs de l’Extrême-Orient. Nous en avons eu des exemples à travers les discours «pro-asiatiques» de François Legault et d’autres caquistes ou encore ce chauffeur d’autobus red neck, Claude Roy, candidat retiré dans Vanier-Les Rivières, un fédéraliste fanatique qui, à l’exemple de ce qui se passe dans l’ouest canadien, voudrait vendre à tout prix le Québec aux investisseurs asiatiques. D’autre part, les craquements internes dont l’Europe unie est touchée risquent de se répercuter sur l’ALÉNA elle-même, tant la disproportion entre la puissance des États-Unis, qui se sont ruinés à des guerres de prestiges et anachroniques, pèse de tout son poids sur le commerce entre les deux pays. Il y a une décennie, la crise du bois d’œuvre entre le Canada et les États-Unis a montré que, même devant des décisions du tribunal international du commerce, les Américains ne se soumettaient pas à une sentence impartiale. En ce sens, le protectionnisme économique américain pourrait aussi bien inféoder le Canada à un clientélisme stérile que de l’annexer purement et simplement dans son système économique interne. L’augmentation des prises de contrôle de chaînes canadiennes dans la restauration aussi bien que dans le commerce au détail est une tendance non équivoque de cette prise de contrôle des décisions dans le développement national canadien.

Face à cette menace, les Conservateurs canadiens n’ont rien trouvé de mieux que de régresser sous les jupes de la reine d’Angleterre (dite aussi du Canada, dont on attend toujours le couronnement en règle). Les amours platoniques entre Stephen Harper et Elisabeth II ne font qu’activer cette régression de l’état du Canada dans un temps où Londres était plus loin que Washington, ce qui permettait à la colonie de mieux respirer que le pays aujourd'hui. Toutefois, l'Angleterre n'a que faire de cette régression. Le jeune prince Harry, petit-fils d'Élisabeth, dans une partouze à Las Vegas, a montré récemment où il tenait le Canada. Refaire l’Histoire est une solution rarement efficace devant les nouveaux défis, et l’ALÉNA et ses craquements présentent de nouveaux défis qui décideront de la survie ou non de l’entité canadienne. Pour le Québec, cette poussée canadienne vers un retour à son état de colonie britannique et dans laquelle l’engage le Parti Libéral avec Jean Charest est au cœur de la propagande électorale. Charest défenseur des intérêts des Québécois devant les défis de la mondialisation? Autant rêver en couleur. Le Plan Nord n’a rien d’une bouée de sauvetage sinon que c’est une liquidation à rabais aux enchères du patrimoine naturel. D’un autre côté, il est désolant de voir qu’aucun des deux autres partis en campagne n’ont d’idées sur ces questions. Pour le Parti Québécois comme pour la Coalition Avenir Québec, la question de la mondialisation se pose sur la planète Mars!

L’arme du référectum contre l’impérialisme canadien.

Avec la vision néo-colonialiste propagée par Stephen Harper, les anachronismes sont à l’honneur. Le dernier cadeau de l’ex-Premier ministre libéral du Canada, Jean Chrétien, au Québec, fut la lieutenant-gouverneur Lise Thibault, accusée aujourd’hui d’avoir fraudé, falsifié, dépensé à tort et à travers les revenus des Québécois et des Canadiens, et son avocat en appelle à la clause monarchique qui énonce que la reine ne peut se poursuivre elle-même! Si un juge accepte ça, nous verrons jusqu’où notre dignité sera tombée. S’il suffit d’un petit grincement de roue mal huilée de chaise roulante pour faire oublier les malversations d’une vieille grue, c’est qu’on aura un cœur suffisamment ramolli au point qu’il n’y a plus de sang qui le vivifie. Le Conservateur Harper décanadianise pour rebritanniser le Canada. Le remplacement de deux tableaux d'Alfred Pellan à Rideau Hall pour un mauvais portrait d’Elisabeth II est une insulte à l’histoire canadienne de l’art, si pour autant Harper considère que les Canadiens sont assez civilisés pour avoir une histoire de l’art, ce qu’on ne refuse pas même aux hommes du Cro-Magnon. La mémoire de la guerre de 1812 vise à rappeler aux Britanniques les sacrifices de leurs cousins canadiens alors que les célébrations entourant le débarquement de Dieppe essaient de substituer à l’improvisation stratégique, improvisation qui entraîna un contingent canadien tout droit à la mort et aux camps de concentration, la saisie de codes secrets allemands. C’était moins humiliant du temps où l’on justifiait le coup de Dieppe par une répétition du Jour J de 1944! Évidemment, personne ne rappelle le précédent de Gallipoli durant la Première Guerre mondiale, où le même stratagème avait produit le même effet sur les soldats australiens en Turquie …sans doute, eux aussi, pour voler des codes secrets cachés dans les mailles du tapis! L’«amour» du Canada que porte Stephen Harper n’empêche pas les coupures sauvages à Parc Canada, où ces parcs cessent de rappeler un lieu culturel pour ne plus être rien d’autres que des terrains de pique-nique agrémentés de toilettes sèches, avec en arrière-plan des paysages de cartes postales. Les célébrations entourant les faits d’armes de la Grande Guerre de 1914-1918 au cours des quatre prochaines années montreront que les victoires canadiennes n’auront été, après tout, que des victoires britanniques accomplies par des troupiers venus du Canada.

Tout le reste va du même eau. Croupie. Jamais gouvernement n’aura été plus nocif et plus nuisible aux Canadiens mêmes que celui des Conservateurs que, sottement, ils ont réélu majoritaire en 2011. La brutalité et le manque de vision à long terme de ses dirigeants, leur culte pour des fumisteries bibliques et créationnistes, l’idolâtrie du néo-libéralisme sauvage, font de ce gouvernement un ennemi du Québec et des Québécois autant que le serait un troupeau d’imams sunites fanatiques venus directement d’Afghanistan. Face à cette régression en progrès, le gouvernement du Parti Libéral du Québec, sans culture et sans littérature, en fait un complice avéré au nom de la sacro-sainte économie. La CAQ est trop intellectuellement déficiente pour pouvoir réagir positivement. Ce parti, constitué d’ex-présidents de corporations (les médecins spécialistes avec Gaétan Barrette, les ingénieurs avec Maude Cohen, l’impayable ex-chef de police de Montréal Jacques Duchesneau), est constitué de gens incapables de mettre de l’ordre dans leurs corporations professionnelles respectives qui pensent qu’en étant au gouvernement, ils pourront assainir la société québécoise! Tout cela ne relève pas de la «pensée magique», mais de la bêtise. Culturellement, ils sont totalement désarmés devant la menace de l’assimilation canadienne. Enfin, le Parti Québécois.

Pauline Marois a bien tenté de cibler Stephen Harper comme l’ennemi des Québécois, mais son incompétence en tant que chef politique l’a amenée à se disperser dans des confusions embrouillées. Considérant toujours le «référectum», qui n’est ou bien qu’un fantasme politique idéaliste d’une unanimité de Québécois ou le bonhomme Sept Heure que les Libéraux servent à une clientèle apeurée, comme la seule et unique stratégie vers la Souveraineté, il ne lui vient pas à l'esprit que même indépendant, le Québec résisterait difficilement à l’influence indue de son voisin du Sud sur l’appropriation de ses décisions économiques. Non. Parler de référendum parmi le personnel politique québécois actuel, c’est déclencher l’hilarité générale. Pour parvenir à l’indépendance du Québec, il n’y a qu’un moyen, et malheureusement pour les âmes sensibles, un moyen drastique. Celui-là même utilisé par les Américains, les Allemands, les Italiens et les pays sud-américains hispanophones : la déclaration unilatériale d’indépendance par le gouvernement qui est en même temps l’acte de baptême de l’État québécois. L’utilisation de lois scélérates s’il le faut, dans la même veine que la loi 78, pour censurer les partisans des forces étrangères, et afin de donner un vernis de démocratie après une période de stabilisation où l’Indépendance se sera avérée viable, faire passer un plébiscite au suffrage universel. «L'Italie est faite, maintenant il faut faire les Italiens» avait écrit Massimo d'Azeglio après l’unité italienne de 1860. Or, les Québécois sont déjà «faits», mais pèse sur eux l’héritage de la mentalité canadienne dont ils ne peuvent faire le deuil sans ressentir une mélancolie douloureuse. La politique de Harper peut leur redonner une résistance nationale mais non l’unanimité impossible pour accomplir le vieux rêve péquiste d’obtenir «démocratiquement», même par une arithmétique tordue, la légitimité de la Souveraineté. Reste plus alors qu’à faire comme fut faite la Confédération. C’est-à-dire rendre la Souveraineté légale afin qu’elle devienne parfaitement légitime après un deuil finalement accompli d’un Canada d’apparences qui n’existe que dans les rêves. C’est un problème beaucoup plus intérieur aux Québécois qu’extérieur en matière internationale. Le pire ennemi des Québécois n’est pas l’armée canadienne, comme les événements d’octobre 1970 l’ont donné à penser, mais sa propre police au service d’un gouvernement mineur, inaccessible à la majorité psychologique d’un gouvernement d’État. En cela, les consultations populaires répétées, les appels à tenir un référendum, deux, trois référendums, pour être certains, hors de tout doutes, que la majorité veut bien d’un État libre et souverain, est une façon d'étrangler l'enfant dans ses langes. D’un autre ordre que celui du «Noui» de la CAQ qui, si jamais son chef avait à se prononcer pour une option ou pour une autre, condamnerait son propre parti à l’éclatement. En ce sens, la protection de la culture, du fait français et de l’historicité québécoise par le Parti Québécois ne peut être qu’une protection paranoïaque, fermée sur une «mentalité de garnison», une fièvre obsidionale qui entraîne des affrontements pluriethniques avec ses immigrants qui sont essentiellement des immigrants économiques dont la soumission au Canada leur est favorable au détriment de l’affirmation des Québécois mêmes. Ils peuvent bénéficier ainsi de tous les avantages d’être citoyens nord-américains sans être ostracisés par le racisme latent des Américains.

Conclusion

Il reste un dernier mythe à dépuceler. Celui du vote stratégique. Je me souviens, en 1981, du Anybody but Ryan. Après l’échec du référendum de 1980, cette pièce de politique anachronique qu’était Claude Ryan se trouvait chef du Parti Libéral et tous craignaient son élection. Alors on on en appela au «vote stratégique» pour le Parti Québécois contre qui les syndiqués n’avaient pas encore digéré la façon dont, à la Noël précédente, il avait voter les décrets légiférant sur les salaires des employés de la fonction publique. Ai-je besoin de vous rappeler le coût de ce «vote stratégique»? 1982 : crise constitutionnelle, le Québec se retire sans avoir signé la Constitution et le Parti sans le courage politique de proclamer unilatéralement l’Indépendance; 1984, c’est le «beau risque» d’une entente avec le gouvernement conservateur d’Ottawa dirigé par Brian Mulroney; 1985 : tous ces ministres de la gauche radicale (Parizeau, Laurin, Léonard, Lazure et quelques autres) démissionnent et sont remplacés par des technocrates à pipes et à barbichettes qui amorceront le virage «Provigo» de l’État québécois; plus tard, au cours de la même année, après quelques accès de paranoïa, Lévesque est forcé de démissionner et est remplacé par le suave Pierre-Marc Johnson. Il faudra le mourant d’un cancer mais vaillant Gérald Godin pour redonner un peu d’honneur à ce parti qui en avait déjà perdu beaucoup. Le «vote stratégique»? Jamais un coup de dés n’abolira le hasard.

Il n’en demeure pas moins que le choix qui sera fait le 4 septembre prochain sera, de toute façon, un mauvais choix. Il ne faut pas jouer à Madame Soleil scrutant l'entre fesses, le 1er janvier 1939, pour dire que ce sera une année de paix et qu'il n'y aura pas de guerre! Aucun des partis en présence ne peut s’ériger comme un mur contre l’effondrement économique sous les malversations financières tolérées, voire encouragées par le néo-libéralisme sauvage; aucun des partis en présence ne peut préparer la politique économique québécoise devant les basculements de la mondialisation; enfin aucun parti politique ne peut soutenir financièrement, politiquement et constitutionnellement les valeurs nationales québécoises face à l’agressivité fédérale : la protection de la pratique de la langue française, la consolidation de sa conscience historique en dehors de la propagande idéologique (fédéraliste ou nationaliste), le sous-investissement dans les arts et les lettres au risque de s’en remettre à des entrepreneurs privés trop tentés par la société du spectacle et ses perversités jusqu’à s'absorber entièrement dans un impérialisme culturel américain exprimé en français, voilà notre état, tel qu’il se présente objectivement.

La campagne électorale a présenté pendant le mois d’août un Parti Libéral usé et un chef qui répète la même cassette depuis dix ans sans avoir véritablement l’étoffe d’un chef d’État. Un vieux routier de la politique, mercenaire du fédéralisme comme l’ont été tous les politiciens libéraux depuis 30 ans. Le Parti Québécois, avec ses incessantes valses hésitations présente une cheftaine, non une chef, Pauline Marois, maladroite, épaisse dans le sens le plus vulgaire du mot, dont les jours sont déjà comptés en tant que chef de parti. Élue, elle ne finirait même pas son mandat. Enfin, François Legault, le comptable Gattuso de la Coalition Avenir Québec, un petit homme sans talent ni intelligence, médiocre à souhait qui vit entourer de mâles alphas qui font sa campagne à sa place. Quel que soit le vainqueur, les Québécois ne peuvent être que perdants. Voici mon analyse, maintenant, faites-en ce que vous en voulez.
Montréal,
23 août 2012

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