mardi 28 août 2012

L'irréductible village étudiant

Monuments aux Résistants croates contre le nazisme.

L’IRRÉDUCTIBLE VILLAGE ÉTUDIANT

Benedetto Croce a écrit : «On peut, à bon droit, les considérer comme exemplaires pour la pureté de l’amour qu’ils portaient à leur patrie et qui était l’amour de la vertu, pour le sérieux et la dignité de leur vie, pour leur entier désintéressement, pour la vigueur de leur volonté et de leur esprit, pour la discipline religieuse qu’ils s’étaient donnée dès leur jeune âge et à laquelle ils obéirent avec une constante fidélité. […] Chacun d’eux, dans sa loyauté totale, mérite le nom d’honnête homme et de gentilhomme. Leurs actes, leurs écrits restent des sources durables d’éducation morale et civique; ils nous servent de guide ou de réconfort et parfois ils nous font rougir. En sorte qu’on doit dire que, si ces hommes perdirent le pouvoir passager du gouvernement, ils ont conservé le pouvoir durable de nous gouverner intérieurement. N’est-ce pas là le fait de toute vie bien dépensée, de ceux qui sont entrés dans le panthéon des grandeurs nationales?»

Malheureusement, ce passage de Croce, s’adressant à des individualités de grandes dignités, pourrait difficilement s’appliquer aux chefs de partis politiques et à leurs poteaux de campagne électorale. Sûrement pas aux libéraux, vindicatifs, arrogants et corrompus par dix années de pouvoir. Les Péquistes? Girouettes à l’extérieur comme à l’intérieur de l’Assemblée nationale. Enfin, l’épidémie de la CAQ, déjà annoncée par celle de la Légionellose dans la région de Québec, a de quoi effrayer. Voilà plutôt un type d’hommes et de femmes, toutes couleurs confondues, tout à fait opposé à celui dont parle Benedetto Croce qui, à défaut de servir de guide et d'être une source de réconfort, va s’avérer participer à la suite d’un cauchemar politique qui semble ne vouloir s’arrêter qu’avec la fin du monde, d’où le succès des espoirs (sic!) de délivrance millénaristes.

Bien sûr, c’est aux étudiants que j’adresse ce passage de Croce. Plus spécifiquement aux étudiants et aux étudiantes qui, comme Dollard des Ormeaux, gardent le fort contre des forces ennemies supérieures en nombre et en équipements : policiers, gardes de sécurité, carrés verts concombres, recteurs corrompus, et cette masse d’étudiants qui cachent leur résignation derrière l'esprit de résilience, pressés d’obtenir leurs maudits diplômes de pacotilles pour fuir vers un marché du travail où stress et aliénations seront le lot quotidien de leur vie.

Ils sont une poignée d’irréductibles qui, après avoir été désertés par les étudiants du collégial, comme la petite troupe de Dollard l’avait été des «alliés» autochtones dans son fortin de pieux, continuent le combat. Les autres, pressés d’en finir avec des études qui coûtent peu à leurs parents, pour se lancer dans celles qui seront un fardeau à assumer le jour où ils commenceront à vivre leur vie d’universitaires, sont paisiblement rentrés dans la bergerie, s'auto-borgnant avec les promesses de changement électorales. Comme dans le village d’Uderzo et Goscinny, le village gaulois, cette poignée d’irréductibles s’enferme dans un local d’université pour mener un siège. Ils perturbent les cours avec un tintamarre de couvercles. Ils affrontent des professeurs réactionnaires ou tout simplement pressés d’en finir avec leur tâche d'enseignement pour retourner à la Mère de la tranquillité de leur tour d’ivoire sécuritaire et tétonnante. Ils gênent les brebis bêlantes à la laine verte qui s’empiffrent de luzernes académiques. Pour les sauver de cette mauvaise herbe, il faudrait leur ouvrir l’estomac avec un coup de couteau pour laisser échapper ce méthane qui les gonfle et finirait par les faire éclater de l’intérieur. Du coup, ça leur sauverait la vie. Mais. «la belle vie» exige un tel régime anorexique! Il existe une obésité intellectuelle dont les effets sont tout à fait comparables à ceux des gras trans de la mal-bouffe. C’est le lard des énoncés sans explications - comme ceux des candidats à l’élection provinciale. L’économie, énoncé sans fondements des Libéraux; Souveraineté association, énoncé désuet des Péquistes; le changement, autre énoncé vide de tous contenus, chez les Caquistes. Les énoncés apparaissent comme des «formules magiques» lancées par les enseignants et que n'enregistrent pas la mémoire morte des étudiants mais seulement la mémoire vive de leurs portables, ce qu’il suffira de reproduire lors d'un examen ou dans un take-home de 15 pages. L’apprentissage technicien qui se diffuse, comme chez les pérépatéticien(ne)s, moyennant une somme d’argent, et qui finira par produire une petite armée de mercenaires contractuels, robotisés et standardisés, qui s’agiteront dans le marché du travail, comme les abeilles dans la ruche de Mandeville.

Ces nouveaux apôtres de la pensée magique capitaliste, à l’ère de la post-industrialisation, entièrement dévoués aux aires de communications, de spectacles, de divertissements en tous genres, de services fonctionnarisés à toutes les étapes du processus de production, vont construire le monde de demain. À côté de ça, les cauchemars imaginés dans des films comme Mad Max ou Tron, apparaîtront comme des expériences-limites fantastiques, alors que le cauchemar climatisé de la réalité, doux et ventilé, s’assimilera à une vie passée à l’étage des soins palliatifs. Cela vaut-il la peine de payer si chers des cours qui conduiront à transformer les hommes et les femmes à ce niveau de robots accueillants et sophistiqués (dans tous les sens que ce mot peut prendre), prêts à s’entre-servir mutuellement pour l’accomplissement de désirs égoïstes propres à chacun? La hausse des frais de scolarité décrétée par le gouvernement Charest répond oui. Non seulement la déshumanisation des comportements humains, compensée par une surdose expressive d’émotions et de sentiments par procuration, reste le meilleur programme universitaire entièrement adopté au développement économique néo-libéral, mais il doit coûter plus cher, toujours plus cher à ses postulants, afin de générer un rêve utopique d’autofinancement des universités qui dégagerait les mains des gouvernements et des entrepreneurs privés d’avoir à les entretenir, sauf pour des commandites à des départements de musique pour des concerts de Bach et des départements d’art dramatique pour des représentations de Dario Fo. Car l’insulte suprême ajoutée à la bassesse de l’outrage, c’est la vantardise d’avoir l’esprit ouvert aux arts et de flirter avec l’esprit anarchiste, ou de gauche. Bref, comme dans toutes les sociales-démocraties, accomplir des objectifs libéraux en les vendant comme un programme de Québec Solidaire.

Alors, est-ce pour cela que cette poignée d’irréductibles risque de se faire prendre à la gorge par les chiens de sécurité ou se faire embarquer par les beus de l’anti-émeute? Tous ces cerbères justifiés par l’inique loi 78, pardon la loi 12 car, comme les bateaux qui ont survécu à un naufrage, les législateurs pensent qu’en changeant le chiffre d'une loi, on en change également la mauvaise réputation : 78 ou 12, une loi scélérate, une loi qui pue le cul reste une loi qui pue le cul. Les limites de la tolérance de l’humanisme sont dépassées et il y a belle lurette qu’un peuple qui défend sa dignité aurait pratiqué la désobéissance civile. Car la désobéissance civile de Thoreau est la seule défense que nous ayons contre ce que Tocqueville appelait la tyrannie de la majorité. Elle est une démocratie plus-que-parfaite, car si la majorité exprime la volonté du peuple, elle n’est qu’une expression quantitative et non qualitative de cette volonté. À partir d’elle, on peut obtenir aussi bien les progrès vers l’adoucissement des mœurs que la brutalisation horrifiante des camps de concentration. Bref, la quantité n’est pas fiable, pour reprendre le vocabulaire bisyllabique de Jean Charest. Et quand la publicité appelant au vote du directeur général des élections du Québec reprend la forme du fameux film de terreur Blair Witch Project : images sautillantes, tonalité de couleurs sombres, suites saccadées de plans, pellicule prenant feu en cours de projection, enfin sentiment d’angoisse et de panique qui s'en dégage, le non-dit est dit. Ah! l’inconscient collectif! Ensuite, on dira qu’il n’existe pas.

Contre la quantité de la tyrannie, la qualité se réfugie dans la désobéissance. La vérité n’est pas démocratique. On ne martèlera jamais assez cette seule phrase qui mérite d’être retenue de Jean-Paul II. On aura beau dire que le vote est à 40%, 50%, 60 ou 70%, il ne représente nulle autre vérité qu’une comptabilité d’urnes : autant de votes, autant de cendre, et comme nous venons de le voir avec les assemblées générales des étudiants de Cégep, un scrutin peut facilement en défaire un autre quand la décision des décideurs est déjà prise. Non, le Directeur Général des Élections ment quand il dit que chaque vote compte. Tous les votes ne pèsent pas du même poids. Voilà pourquoi il y en a qui s'achètent et d'autres qui se vendent. Ce qui est proclamé au nom de la démocratie n’a pas plus de fondement que ce qui était proclamé au nom du Souverain de droit divin. Un principe? Mais on peut en faire ce qu'on veut des principes, si cela sert des intérêts bien compris! Après tout, ce ne sont-là que des modes de gouvernement, non l’incarnation de la justice. Voilà pourquoi cet aristocrate de Platon enseignait que la démocratie ne peut conduire qu'à la tyrannie …celle des dictateurs et des usurpateurs, tant il est facile de laisser tourner la démocratie en démagogie. La démocratie est un met délicat. Elle exige une préparation lente et continue des esprits, de la raison, de l’analyse, de la critique. Bref, ce qui est interdit d’enseignement dans les institutions scolaires où la propagande s’assimile tellement vite et tellement facilement : «Qu’est-ce que le Parti Libéral?» «Le Parti Libéral est le parti qui entend promouvoir et développer l’économie»; «Qu’est-ce que le Parti Québécois?» «Le Parti Québécois est le parti qui entend promouvoir et acheminer le peuple québécois vers sa souveraineté en association avec le reste du Canada». «Qu’est-ce que la Coalition Avenir Québec?» «La Coalition Avenir Québec est un nouveau parti politique qui entend s’en prendre à la corruption, aux syndicats et aux commissions scolaires afin que le ménage des familles moyennes ait moins d’impôts à payer». Ne cherchez pas à dépasser le périmètre de ces leçons apprises par cœur, ni positivement ni négativement, car elles sont closes sur elles-mêmes et n’ouvrent sur aucune réalité tangible. Seuls les résultats, une fois en application au gouvernement, sèmeront ou bien la débâcle ou bien la stagnation. Le progrès, quel qu’il soit, est une affaire d’individus et doit donc souvent passer par la «désobéissance» (les preuves abondent dans l'histoire des arts et lettres, l'histoire des religions et l'histoire des sciences), pas par la «majorité élue» dont les démagogues utilisent à leur avantage la tyrannie.

La désobéissance civile, qu’elle s’exprime de manière non-violente comme le voulaient les Tolstoï, les Gandhi et les Martin Luther King qui sont les modèles d’Amir Khadir, comme le terrorisme dont elle est petite-cousine, est le moyen des prophètes désarmés. Elle mise, et avec raison, sur les effets médiatiques et de plus en plus sur le sensationnalisme. En ce sens, elle est elle-même menacée de dissolution. Certes, elle vise à «scandaliser» les consciences, entraîner ainsi leur éveil, porter les cas individuels auprès du tribunal populaire et non des gouvernants. De la presse écrite aux post-modernes média sociaux, il s’agit de «déranger» l’opinion publique par la brutalité même des images-forces : d'un côté, l'aspect festif des manifestations brutalement dispersées par les forces de l’ordre; de l'autre côté, des casseurs qui brisent des vitrines d'honnêtes commerçants. Le «printemps arabe» a montré la force et les limites de ces résistances, qui n’étaient pas toutes non-violentes. La force, dans la mesure où le monde entier pouvait être témoin des horreurs commises par l’armée dans quelques bleds perdus d’Égypte ou de Syrie; la faiblesse, dans la mesure où les insurgés ne partageaient pas tous les idéologies «démocratiques» et «progressistes» des manifestants les plus sympathiques. Comme du temps de la montée des fascismes, tout est axé sur la suggestion des images, des cris, des formes même de l'improvisation cinétique des téléphones portables. Ce que nous y voyons objectivement est secondaire et peut être interprété de n'importe quelle façon. Il y a autant de «désinformation» potentielle transmise par ces média sociaux que d'«information», ce que le public n'a pas encore parfaitement réalisé.

Il en a été de même avec le conflit étudiant du «printemps érable». Tout le monde a vu des étudiants se faire tabasser par les tapons de la S.Q. ou de l’escouade anti-émeute de Montréal, et un grand nombre de Québécois s’en sont sentis ébranlés de l’intérieur. Mais l’association de casseurs avec les manifestants, l’infiltration par les forces policières d’agents provocateurs, les interprétations tendancieuses des commentateurs politiques et des journalistes ont fini par l’emporter en associant ces minorités à l’ensemble du mouvement étudiant, dont la revendication de départ - le refus de l’augmentation des frais de scolarité -, a fini par être imposée comme l'exigence nécessaire et suffisante, alors que le conflit n’a cessé d’évoluer et de se bonifier en termes de revendications. Si Péguy avait raison de considérer que toute mystique dégénère en politique, nous pouvons nous apercevoir, avec les nouveaux média sociaux, que toute information dégénère en propagande adaptée à des préjugés et des ressentiments déjà confortablement installés dans les esprits.

Quoi qu’il en soit, la résistance contre la résilience de ces quelques «effrontés», qui n’abdiquent ni devant les menaces ni l’usage pervers de la force, montre qu’une soif autre que celle de sauver quelques milliers de dollars motive ce mouvement. Une idée romantique de la révolte? Un ras le bol de l’establishment bourgeois comme on l’appelait dans les années soixante-dix? Une brutalisation continue mais soft des rapports sociaux? L’impasse où mènent les liens interpersonnels lorsque plus aucun guide, aucune rampe ne les ouvrent vers un but supérieur à leurs simples satisfactions? C’est ici que notre vieil ami Croce nous aide, peut-être, à mieux comprendre ce dont ont soif ces têtes-brûlées, sans nécessairement que leur conscience en ait totalement saisi le sens.

Pour certains, il s’agit bien d’une exemplarité «pour la pureté de l’amour» qu’ils portent. À qui? À leur patrie? Sans doute pour ceux qui sont également ces «méchants séparatistes» à la sauce Jean Chrétien. La vertu? Je ne pense pas que ce mot signifie grand chose de plus qu’une simple honnêteté primaire. Une sorte de code de l’honneur réciproque. Le sérieux? Oui, dans la mesure où ils voient combien la minorité dominante les charrie en bateau. Mais le problème alors, c’est jusqu’où s’étend le tégument de cette minorité dominante? N’enserre-t-il que les hommes affaires, honnêtes ou crapuleux? L’esprit de boutiquiers étroit et mesquin de la majorité des commerçants et des petits industriels? S’étend-t-il, oui probablement, jusqu’aux politiciens? Débordent-ils vers les artistes, si oui, lesquels? Les vedettes qui se vendent corps et âme pour leur public démocratique? Celles qui résistent à la tentation du vedettariat pour conserver une part d'authenticité dans leurs démarches créatrices? À la rigueur, la quête de sérieux pourrait s’étendre à la société toute entière tellement il est difficile, dans un système capitaliste, de trouver ces cinq personnes vertueuses et honnêtes qui auraient permis à Sodome et Gomorrhe d’échapper à la foudre divine.

Plus profondément, partagent-ils l’amour de la dignité de leur vie? Se sentent-ils autre chose que ces techniciens dont les institutions veulent former pour donner du rendement à ce cauchemar climatisé qui s’annonce pour le XXIe siècle? Cette dignité, maintenant, à supposer qu’elle représente quelque chose de concret dans leur comportement et leurs intentions, pousse-t-elle jusqu’au désintéressement? Frôle-t-elle le fanatisme qui se confond facilement avec «la vigueur de leur volonté et de leur esprit» jusqu’à feindre «la discipline religieuse» issue de l’adolescence et qui fait prendre les promesses et les serments pour des engagements sans compromis? Comment «obéir alors avec une constante fidélité» devant une force qui les tentera d’une part - côté carotte - par les gadgets de la société de consommation, dont tous les amis, les parents, les idoles sont équipés; les menacera d’autre part - côté bâton - par les forces répressives et la pire de toutes, le consensus moral accusateur?

Une fois que nous avons traversé les apparences des énoncés, des discours, des affirmations et des promesses (pleines ou creuses), reste le sentiment de loyauté. Loyauté envers les autres, mais surtout loyauté envers soi-même, lorsque tous les autres ont déserté et ont regagné le toit sécuritaire de la bergerie? Ceux qui  résistent, ceux qui frondent les lois scélérates et puantes de gouvernements et de partis où grouillent les vers de la décomposition, ceux-là méritent le titre d’honnête homme et d’honnête femme, de gentilhomme et de gente dame. Comme ils ne sont pas des théoriciens ni des rhéteurs, seuls leurs actes courageux, même lorsqu’ils sont jugés par la foule sotte de désespérés et d’inutiles, demeurent «des sources durables d’éducation morale». Bref, ils assurent le fonds de la civilisation là où les autres le dilapident et le prostituent. Avec humilité, nous pouvons les prendre pour guide ou même pour réconfort devant nos lâchetés intérieures et nos faiblesses de «petits hommes». Mais ceux qui devraient rougir sont plus hauts. Beaucoup plus hauts. Ils sont en ce moment cachés dans le fond d’autobus avec leurs faces peintes dessus accompagnées de slogans niaiseux dignes d’un film de Louis de Funès. Jean Charest se précipitant hors de son autobus pour aller faire sauter des patates frites chez Ti-Oui élève la médiocrité au rang d'un art crapuleux. La honte ne fait même plus rougir Pauline Marois qui, après avoir racolé l’électorat jeunesse et les péquistes «durs» en portant le carré rouge, a forcé ses candidats à l’enlever afin de racoler également ceux qui sont carrés bruns en province. La lâcheté et la couardise, la fausseté et l’opportunisme n’ont jamais eu meilleur goût qu'au Parti Québécois, qui appelle à obéir à des lois qu'il juge lui-même inique et odieuse. Qu'est-ce, sinon le fait d'avoir par le passé faits voter de telles lois; et qu'est-ce d'autres encore que l'annonce qu'il serait prêt, lui aussi, à faire voter de telles lois scélérates et ignobles? Enfin, devrait-on parler de François Legault? Non. Alors, je me tais. Mais aussi, combien de vedettes ont porté le carré rouge puis l’ont enlevé de peur de perdre des fans, des gruppies carrés verts? Combien l’ont affiché qui, maintenant, le cachent aux cérémonies des débuts de saison à Radio-Canada et à TVA?  Où sont passées leurs convictions? La pureté de leurs convictions? Le sérieux de leur engagement? La dignité d’eux-mêmes devant les forces contraignantes des contrats et des publics? La sincérité profonde derrière le masque du chanteur, du chansonnier, de l’homme de théâtre ou de la vedette de télévision en quête de financements d’État? Comment croire en ce domaine, comme dans les autres, à leur «constante fidélité»? À leur «loyauté totale»? Que leur chaut d’être gentilhomme ou gente dame quand on se promène avec l’étiquette de son prix de vente encore pantelante à sa manche?

Mais ceux dont la face devrait leur brûler vive comme un feu dévorant, ce sont ces corrompus à barnicles, ces recteurs et chanceliers d’université. Cette léproserie qu’est l’Université de Montréal avec son recteur, Guy Breton. Ce servile haut-fonctionnaire qui gère l'Université selon le financement, l'équipement et le matériel et non pour ses étudiants et ses professionnels; qui souille le lieu du savoir en faisant intervenir, plutôt que la raison et la conviction, la force étrangère et la violence policière; ce scélérat qui engage des gardes de sécurité recrutés dans la petite mafia des gangs de rue subventionnés par de généreux programmes de réhabilitation pour saisir des étudiants à la gorge; celui qui appelle les policiers en grand renfort pour soutenir ses chiens de réserve; celui qui n'hésiterait pas à envoyer quelques étudiants béni oui oui passer un 9-1-1 pour se laver les mains de la perfidie tant elles sont souillées. Il est bien le digne successeur de ces théologiens des universités qui firent brûler sur les bûchers les écrits de saint Thomas aussi bien que la personne de Jeanne d’Arc, la bonne lorraine. Cet homme, qui porte le nom d’un historien qui se plaisait jadis à raconter des histoires de cul de l’histoire de France, et est doté d'un faciès à la Smithers, a un esprit comparable à un portemonnaie ouvert par où entrent, passent et sortent ces frais de scolarité déversés par le gouvernement en vue, précisément, de développer son institution. Détourneur de fonds, comme tant de ses collègues qui gaspillent l’argent des contribuables et des étudiants donné à l’amélioration de l’enseignement universitaire; argent qui s'évapore en cocktails et en partouzes payés à des visiteurs d’Europe ou d’Amérique afin de vendre nos cerveaux et nos expertises à l'étranger. «Tout ce qui est exagéré est insignifiant», disait Talleyrand. Oui, je voudrais bien exagérer et être insignifiant plutôt que d'assister à ça, impuissant.

Ces malheureux résistants que l’on sort, menottes aux poings, bousculés, avec des éraflures à la gorge, pendant que ce Smithers du gouvernement regarde le tout de son bureau, peuvent-ils «conserver sur nous le pouvoir durable de nous gouverner intérieurement», c’est-à-dire moralement? Il n’y aura ni autel, ni panthéon pour eux, bien sûr. Ce n'est, dans le fond, qu'une toute petite révolte. Dans la mesure où ils sont ce qu’ils représentent, c’est-à-dire toutes ces dignités et ces vertus bafouées auxquelles faisait référence Benedetto Croce, nous devons être fiers de ceux qui nous tirent de la honte collective à laquelle nous condamne la tyrannie de la majorité. En retours, leur désobéissance civile trace la voie INCONTOURNABLE de la libération de l’intelligence du carcan où l’enferment la bêtise et l’ignorance, carcan qui sert aux vrais puissants de ce monde, à cette minorité dominante qui manipule et enserre la tyrannie, dont ces méchants désobéissants, ces déviants de l’unanimisme scolastique, nous indiquent le seul salut vers un monde souhaitable⌛

Montréal
28 août 2012

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