dimanche 17 février 2013

R.I.P. Parti Québécois (1968-2013)

Avis de décès. Parti Québécois (1968-2013)
R.I.P. PARTI QUÉBÉCOIS (1968-2013)

«À Montréal, est décédé le 26 février 2013, à l'âge de 45 ans, le Parti Québécois, fils du Mouvement Souveraineté-Association et du Rassemblement pour l’Indépendance nationale. Dirigé d’abord par René Lévesque (1922-1987), qui fut élu Premier Ministre en 1976 dans un enthousiasme
Que le grand Cric me croque
lié à la Révolution tranquille à laquelle il avait participé dans différents ministères sous le gouvernement libéral de Jean Lesage, il fut le chef du clan du Oui au référendum sur la souveraineté-association de mai 1980, qu’il perdit. Atteint de paranoïa, il fut forcé de démissionner en 1985 après une hémorragie des forces vives de son parti. Relayé par des figures falotes à la chefferie du parti, il faudra attendre le retour de Jacques Parizeau au gouvernement, en 1993, où il présente un modèle de système politique post-référendaire en désignant un cabinet ministériel parmi les députés et un protosénat avec d’autres députés élus représentant les diverses régions du Québec. Ce fut là, depuis la Confédération de 1867, la seule tentative progressiste de réorienter la structure même de la législature québécoise. Après un second échec référendaire en 1995, il est remplacé par Lucien Bouchard (1996-2001), un conservateur marqué par l’obsession pathologique budgétaire du déficit zéro pour l’an 2000, ce qui le força à mutiler les acquis de la Révolution tranquille, à couper dans les secteurs sociaux névralgiques comme la santé et l’éducation, et laisser la province exsangue de revenus pour se fortifier. Politique malheureuse qui sera suivie par les gouvernements successifs de Bernard Landry (2001-2003) et Pauline Marois (2012-2013). Le Parti Québécois laisse dans le deuil, une quantité de souverainistes indécis dans leurs aspirations, des opportunistes certains de leurs intérêts et une population qui n’aura plus à se fendre la tête pour choisir entre deux partis d’Union Nationale pour rivaliser avec le Parti Libéral».

C’est qu’il en aura mis du temps à mourir, ce parti, après 30 ans de désintégration due à un échec stratégique de ses aspirations : faire de la Province de Québec un pays. Et le plus ironique de l’histoire, c’est que ce n’est pas cette léthargie stratégique qui l’aura tué, mais une incapacité passagère de gouvernance. À l’heure où ce mot, inventé par les gestionnaires plus que par les politiciens ou même les politologues, devient le canevas du politique, le Parti Québécois aura manœuvré, depuis l’échec référendaire de 1995, comme un poulet privé de sa tête, courant dans un sens et dans l’autre. D'abord, vers un messie conservateur puis un gay à cassette; ensuite, dans un état de mutinerie sans fin à un chef qui, pour être la première femme Premier ministre du Québec sera aussi fort probablement la dernière à occuper ce poste pour le Parti Québécois. Structuré à l’éclatement comme le prédisaient Anne Légaré et Gilles Bourque dans les années 1970, il n’a cessé d’éclater à plusieurs reprises comme du pop corn sur un feu continu. La première fois, après le référendum de 1980, quand il a perdu une partie de sa clientèle électorale sur les épaules de laquelle il s’était hissé au pouvoir, jusqu’à la crise de 1984, lorsque le 20 novembre, Pierre de Bellefeuille, un radical de l’indépendance, démissionne du caucus, suivi deux jours plus tard par plusieurs ministres seniors : Jacques Parizeau, Camille Laurin, Denise Leblanc-Bantey, Gilbert Paquette et Jacques Léonard. Jérôme Proulx, un ancien député de l’Union Nationale premier rallié à Lévesque, annonce qu'il siègera désormais comme député indépendant. Le 27 novembre, Louise Harel démissionne à son tour suivie, le 4 décembre, de Denis Lazure. Avec la succession de Pierre-Marc Johnson et la guerre que lui livre Gérald Godin, le parti entre pour un temps dans un premier purgatoire. Il faudra attendre le retour de Jacques Parizeau pour voir le parti renouer avec ses fondements idéologiques. Mais l’échec du référendum de 1995 le plonge de nouveau dans la tourmente, même s’il est au pouvoir. Sa tendance à renaître sous l’aspect d’une nouvelle Union Nationale est consolidée par Lucien Bouchard, Bernard Landry et Pauline Marois. De crise en crise, jusqu’à la démission de quatre députés alors que son chef, Pauline Marois, siège dans l’opposition, le parti lutte pour sa survie plus que pour l’affirmation de son option idéologique, mise au congélateur depuis près de deux décennies déjà. Malgré son élection, même en position minoritaire, les stratégies de «gouvernance» du Parti Québécois n’ont pu que démontrer son incapacité - contrairement à 1976 - à «être le bon gouvernement» qu’il souhaitait être pour lutter contre la charogne libérale, croupissante dans la corruption et la ploutocratie des hommes d’affaires.

Les causes du décès sont donc multiples. Le silence honteux de son option, incapable de structurer une stratégie de propagande efficace auprès de la population; l’incompétence administrative qui coïncide avec la corruption du parti Libéral; ses manœuvres opportunistes qui finissent toujours par se dévoiler au grand jour sous un aspect plutôt obscène; son empressement à montrer que si le social lui tient à cœur, c’est d’abord son portefeuille financier qui loge dans sa poche droite; ses négligences multiples à insuffler une utopie projetée d’une société québécoise qui serait autre que le modèle imité d’une entreprise d’affaires. Enfin, surtout - et cela, on ne l’attendrait pas d’un parti qui clame à la justice sociale -, son mépris incroyable et récurrent de la population québécoise et surtout des plus pauvres de ses membres. Il n’est donc pas étonnant que de crise en crise, on ait vu de larges migrations de membres de la base soit vers un quelconque parti socialiste (plus récemment Québec Solidaire) pour les membres socialement impliqués, ou vers un autre parti indépendantiste, «pur et dur», «caribou»,  désormais vers le nouveau parti d’Option Nationale. Les membres les plus à droite ont suivi l’ancien ministre péquiste François Legault vers un ralliement avec la droite régionale, celle de l’A.D.Q. devenue la Coalition Avenir Québec, la C.A.Q., un parti qui remet à l’avant-scène le mot d’ordre de l’Union Nationale, de Duplessis à Johnson : l’autonomie provinciale comme garantie de tenir la constitution canadienne fermée dans sa ceinture de chasteté. À partir de ce moment, le P.Q. et la C.A.Q. sont devenus des partis en lutte mortelle, tant deux Union Nationale ne peuvent vivre à l'intérieur d'un même parlement. Le ministère Marois aurait dû comprendre, dès le soir de l’élection de septembre 2012, que c’était là non seulement sa dernière chance d’être porté au pouvoir et de s’y montrer un gouvernement fidèle à son programme original et à sa tradition fondamentale, mais également la chance de survivre en tant que parti de premier plan sur l’éventail des partis au Québec. Manquer cette chance équivalait à un suicide.

Pourquoi la population du Québec sera-t-elle moins prête à pardonner l’incompétence manifeste de Pauline Marois que les fourberies et les complicités douteuses de Jean Charest? Pourquoi, mené par le docteur Couillard ou ce rigolo nain de jardin qu'est Raymond Bachand, le Parti Libéral du Québec sera-t-il en position de force pour renverser le gouvernement péquiste lorsque, installé au pouvoir, maîtrisant le caucus en main, allié avec la C.A.Q., il n’aura plus qu’à précipiter les élections (probablement au printemps ou au début de l’été, à l’automne au plus tard), et remporter à nouveau le pouvoir? Tout simplement parce qu’on attend rien d’autre du Parti Libéral. L’historicité du P.L.Q., ce n’est pas sa «militance», mais ses bailleurs de fonds, les moyens - honnêtes ou pas - de faire de l’argent privé à partir des pouvoirs publiques. C'est un parti qui a perdu de vue son «Histoire» depuis longtemps et dont les principes sont étroits et sans profondeur. Ne promettant rien de neuf à la population, la population n’attend rien de lui qu’à défaut de ne pas faire de bien, il ne fasse pas trop de mal. Bref, tout le contraire de partis comme le Parti Québécois et Québec Solidaire, des partis qui promettent du neuf mais sans mettre en cause la sécurité établie. Par expérience, leurs gouvernements déçoivent ses membres qui attendent beaucoup et, à défaut de parvenir au bien, augmentent la croissance du mal. Les années post-référendaires de 1981-1984 et de 1996-2000 l’ont amplement démontré par la conduite irrationnelle, voire même illogique des gouvernements péquistes frustrés par la population québécoise.

Agents provocateurs au sommet de Montebello, 2007
Les partis politiques sont le développement libéral et démocratique de ce qu'étaient, à l’origine, les sociétés secrètes au XIXe siècle. Pour survivre, les sociétés secrètes avaient besoin de deux choses. Des membres, bien sûr, prêts à sacrifier leur vie à l’époque, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, et des sponsors, des financiers sympathisants voire membres, ou tout simplement des taupes de la police ou de la force armée du gouvernement réactionnaire. C’est ainsi que le F.L.Q. fut encore, dans les années 1960, infiltré par des membres de la G.R.C. au point de se demander s’il n’y avait pas plus de membres de la police secrète que de véritables et authentiques révolutionnaires. La tragi-comédie de 1970 a montré ce qu’il fallait en penser de ces «touristes» pour Cuba, revenus la queue entre les deux jambes, mais suffisamment bien évalués comme étant peu dangereux pour retrouver des postes dans le milieu universitaire (comme praticiens expérimentés) ou culturel (le cinéma, l’édition…). À la même époque, il était évident - l’affaire Morin devait le révéler plus tard -, des membres du Parti Québécois servaient de taupes à la police fédérale tout en entretenant des contacts étroits auprès de certains ministres du gouvernement. À l’époque, le Parti Québécois pouvait faire peur à deux catégories de personnes : les fédérastes, toujours aussi portés à la défense du Canada dans la mesure où ce Canada coïncide avec leurs intérêts d’affaires; et les souverainistes, Québécois sur les lèvres mais foncièrement Canadiens-français dans l’âme. Des gens comme René Lévesque ou Gilles Vigneault, toujours prêts à parler du pays, mais jamais prêts à le faire. Au point que le premier est perçu comme étant quasi un Père de la Confédération nouvelle de 1982, l’autre comme un habitué des décorations et ordres du gouverneur général du Canada.

Qu’on aime le Québec au détriment du Canada, ou le Canada au détriment du Québec, pour reprendre la doctrine des deux amours de saint Augustin (La Cité de Dieu), les politiciens aiment surtout et davantage l’État au détriment de la population. À l’âge des sociétés secrètes, la cause pouvait se confondre avec un «objet» concret : l’idée nationale avec un territoire à s"emparer, une population à libérer constituée d'une ou de plusieurs langues parentes, de cultures communes; l'idée sociale avec une classe opprimée, etc. À l’âge des partis politiques, au moment où les aspirations se réalisent sous la forme de gouvernements ou de pouvoirs, les causes s’épuisent très rapidement. Les communistes deviennent socialistes, les socialistes deviennent libéraux et les libéraux s’ajoutent aux vieux conservateurs. C’est le cas du Québec et du Canada notamment. Les communistes des années 70, pour ceux qui n’ont pas été convertis par la nouvelle technologie aux affaires, contaminent maintenant Québec Solidaire, prêt à manger à tous les râteliers d’insatisfaits de la société. Son socialisme devient du communautarisme en même temps qu’Amir Khadir règle son compte à l’indépendantisme bourgeois : «L'indépendance si nécessaire mais pas nécessairement l'indépendance». En retour, les Péquistes tranquilles ouvrent la chasse aux Caribous et ceux-ci se réfugient sous le parapluie d’Option Nationale. Ces allers-retours sur l’échiquier partisan de la politique québécoise s’accompagnent de l’incompétence du gouvernement péquiste à décider d’une politique dans un domaine quelconque, tandis que la population, écœurée de la corruption des libéraux, s'indignent : «Nous n’avons pas voté pour ça». Le paradoxe hilarant survient lorsque des arrogants comme Jean-Marc Fournier «défendent» les étudiants de l’ASSÉ, contre qui un an plus tôt il envoyait charger ses policiers, dénonçant la «trahison» et «l’abus de confiance» de Mme Marois qui portaient alors le carré rouge. Tant qu’à être fous, pourquoi s’arrêter à mi-chemin?

Tableau de la partisanerie québécoise par Jean-Michel Bovin-Deschaines

Le «mamelonet» de l’Éducation supérieure qui va se tenir pendant un jour (l’autre étant coupé de moitié et la moitié restante servant à résumer les travaux de la veille) est une simagrée de sommet; une illusion afin de s’épargner tout le travail que de véritables États Généraux sur l’éducation auraient imposé. Lorsque Jacques Parizeau gourmande le gouvernement Marois, c’est encore la conscience de la Révolution tranquille qui s’exprime et se soulève contre l’opportunisme affiché et l’incompétence politique et administrative du gouvernement. Parti sans idée claire, sans unanimité dans ses rangs, opportuniste des déboires des autres, le gouvernement péquiste était placé devant ce choix : ou bien satisfaire ses électeurs au risque de précipiter des élections; ou bien naviguer au pif des ressentiments exprimés tout haut. Bref, en repêchant une partie de l’électorat du Parti libéral et de la C.A.Q. On devine la reconnaissance que libéraux et caquistes sont prêts à vouer aux péquistes!

C’est à faire pleurer Machiavel. Le mercenariat de Jean Charest est dans le principe même de la Realpolitik; les vivotements de Pauline Marois sont le comble de la lâcheté et de l’incompétence politique. Femme d’expérience ne veut donc pas dire femme compétente, il faut bien se l’avouer, malgré les flatteries journalistiques. Voulant être le sommet de la réconciliation après la crise impressionnante du mouvement étudiant du printemps 2012, le «sommet sur l’éducation supérieure» des 25-26 février 2013 est la pire déception dont tout le monde sortira frustré : les recteurs parce qu’ils auront été pointé du doigt comme d’éventuels témoins à la Commission Charbonneau; les professeurs parce qu’ils n’auront pas la possibilité de détacher la tâche de l’enseignement de celle de la recherche; les étudiants parce que le gel des frais de scolarité passera à l’indexation au coup de la vie (i.e. à l’inflation), enfin l’ensemble de la population qui aura fait les frais de tous ces événements pour en arriver à un simulacre de règlement. Une fois de plus, le Parti Québécois aura fait la démonstration de sa vulnérabilité devant les milieux d’affaires et son incapacité à dominer ses angoisses face à des décisions de portée historique à prendre. Avec Raymond Lévesque et Jacques Parizeau, il reste peu de voix pour exprimer cette conscience nationale des Québécois et celles de la jeunesse expriment moins une conscience qu’une aspiration qui ignore les contraintes sociales et l’Ananké qui paralysent la volonté des individus comme d’une collectivité à prendre la responsabilité de son destin. À ce titre, il n’y a pas lieu de se réjouir du décès du Parti Québécois, qui n’aura même pas droit à des funérailles nationales⌛
Montréal
17 février 2013

1 commentaire:

  1. Il n'y a pas lieu de s'en réjouir en effet. La fin du parti québécois, à laquelle je ne me résigne pas, signifirait le retour au pouvoir des libéraux pour les 20 ans à venir. à moins que le PQ ne soit remplacé par la chose qui se nomme la CAQ. La base électorale du parti libéral est remarquablement solide ( anglo-immigrants, gens âgés et morons ordinaires... ) Malgré toutes leurs défaillances, les libéraux ont failli être réélu lors des dernières élections. Et puis il y a la patente qui se nomme Québec Solidaire; un bidule plein de bonnes intentions et politiquement correcte qui voit la nation québécoise comme un amoncellement de différentes couches d'immigrants rattachés à un substrat autochtone et dont le programme d'inspiration social-démocrate est dépassé à maints égards. Si le PQ s'effondre ou disparaît il y aura un gros vacuum politique qui sera rempli par je ne sais trop qui ...
    Daniel

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