mercredi 26 septembre 2012

Ne touchez pas à nos riches!

ou le Riche crucifié
 NE TOUCHEZ PAS À NOS RICHES!

L’humeur des Québécois depuis le début du mois, c’est 1e - ne plus parler de la crise étudiante; 2e - ne plus parler des élections. Mais le nouveau gouvernement du Parti Québécois a résolu d’aller de l’avant avec son programme malgré sa position de gouvernement minoritaire. Moins qu’une fidélité à ses aspirations, il s’agit plutôt de mettre la table pour la prochaine campagne électorale. Comme un navire pris par la tempête, le nouveau gouvernement a décidé de foncer tout droit avec son programme, plutôt que de tanguer d’un côté et de l’autre. D’abord, il a aboli, tel qu’annoncé la scélérate loi 78 (devenue 12). Pareillement, il a aboli la hausse des frais de scolarité. Ainsi, il consolide le (faible) vote jeunesse pour la prochaine élection. Reste maintenant à faire tomber les accusations portées contre des centaines d’étudiants en vertu des lois criminelles tout en sachant distinguer les causes authentiques de poursuites de celles du simple fait d’avoir manifesté contre une loi inique et un gouvernement qui commençait à sentir la pourriture.

Autre coup de force : la fermeture de la centrale Gentilly II. Ici, c’est le vote écologiste qu’il s’agit d’aller chercher et consolider. Au risque de déplaire à une population qui mesure la décision en termes strictement locaux et uniquement économiques, il s’agit de satisfaire à une population nationale qui, avec l’abondance des réseaux hydro-électriques, se demande encore ce qu’on peut bien gagner avec cette bombe à retardement nichée pas très loin de la faille Logan?

Enfin, la goutte qui a fait déborder le vase : l’abolition de l’inique taxe santé du gouvernement Charest et le transvasement du manque à gagner dans un impôt rétroactif aux plus riches par une taxe sur le capital. Cette mesure d’équité sociale qui, reconnaissons-le, est assez discrète, a fait bondir l’ensemble de la société. «Ne touchez pas à nos riches!» semble être devenu le mot d’ordre de panique de l’ensemble d’une population néo-colonisée et ayant un goût particulier pour la soumission économique. Car, après tout, c’est la classe moyenne qui va bénéficier du retrait de la taxe santé, celle qui se plaint déjà de payer trop de taxes et d’impôts aux gouvernements. Pourquoi se sentirait-elle affligée de voir les plus riches payer leurs dus à la société de laquelle ils vivent si grassement? Le chef libéral par intérim, Jean-Marc Fournier, parle d’improvisation. Le ministre des finances, Nicolas Marceau, qui opinait du bonnet auprès de Pauline Marois tout au long de la campagne électorale et dont la figure souriante évoque celle d'un fou du roi, fait une démonstration du coût réel de ce transfert de taxes qui, du niveau universel (qui touche tous les citoyens) passe à sa partie privilégiée (moins d’un million d’individus qui font plus que $150 000 par année)! Évidemment, les riches ne descendront pas dans la rue demain matin en portant un $ rouge cousu sur leur poitrine vaillante, prête à défendre jusqu’au moindre sou noir leurs fortunes, mais ils peuvent agir par l'intermédiaire des partis d’opposition.

C’est ainsi que Charles Sirois et les bailleurs de fonds de la C.A.Q. ont demandé à leur comptable Gattuso de venir devant le micro pour dire que la mesure ne passerait que sur son death body. Ou quelque chose qui rime à ça. Alors qu’il avait mené sa campagne électorale sur l’abolition de la taxe santé, mesure qui devait satisfaire à sa clientèle de la classe moyenne, le voici que maintenant, il veut à la fois l’abolition de la taxe santé et le refus d’imposition des taxes en capital! Où pensait-il trouver les milliards que la taxe santé rapportait dans les goussets du gouvernement si ce n’est pas dans la poche des mieux nantis? Dans la fonction publique, son obsession aveugle. Mais aussi chez les plus pauvres, les moins nantis de la société, dans la coupure des services à la population, à l'aide aux plus démunis. Ceux qui ne paient pas de taxes tout en travaillant pour des salaires de misères, ou se voyant astreints aux travaux communautaires ou autres tâches qu’aucun travailleur syndiqué n’accepterait de faire pour les salaires ou compensations versés (le $200 dollars supplémentaire accordé aux gens sur l’aide sociale). Une fois de plus le côté régressif et inconscient de la C.A.Q. montre à quel point ce parti est toxique pour l’économie de la société québécoise.

Tout ces chi-chis, alors que l’Europe s’embrase. Que les Espagnols refusent de porter le fardeau d’une dette dont ils n’ont guère bénéficié. La Grèce réussit à rejoindre le niveau de la Grève Générale qui faisait rêver les anarchistes du début du XXe siècle. Georges Sorel revient hanter la bourgeoisie européenne à travers les populations néo-colonisées de l’Europe unie! Avouons que ceux qui, comme Jean Charest, dénonçaient la violence des étudiants québécois étaient bien loin de savoir de quoi ils parlaient, lorsque nous voyons aujourd’hui la détermination avec laquelle ces Européens se réveillent enfin et disent non à une entreprise d’inféodation.

Cela nous console devant toutes ces rixes qui se produisent de l’autre côté de la Méditerranée, en terres musulmanes, à partir d’une mauvaise vidéo lancée sur You Tube et qui ridiculisait la personne du Prophète. Comme si la parodie religieuse occidentale n'avait jamais visé que les Musulmans? Alors que les Musulmans accusent les Chrétiens de polythéisme à cause des trois personnes en Dieu, les voici qui brandissent Mahomet, non plus comme un prophète mais comme une idole. Ce n’est pas au nom d’Allah qu’ils manifestent, mais au nom de son truchement! Ils n’ont pas conscience que chaque dictateur, du roi du Maroc jusqu’à l’impayable Ahmadinejad - et cela comprend aussi bien Khadafi que Bachar el-Assad -, peut se hisser sur le dos de ses peuples méprisés précisément par ce pouvoir «unaire» symbolique et religieux conféré au Prophète par l'entremise d'Allah. C’est Mahomet qui massacre les siens à travers leurs armées, leurs policiers, leurs kamikazes, aussi bien que c’était le Christ lui-même, à travers l’Inquisition, qui tuait ses fidèles aux XVe-XVIIe siècles. Pris comme des chiens battus, les Musulmans se recroquevillent sur eux-mêmes, renversent un dictateur laïque pour le remplacer par un Frère Musulman ou un général «socialiste», aussi socialiste que prétendaient l’être Nasser ou Saddam Hussein! Comme ces mêmes chiens meurtris, ils développent des comportements de compensation : ils crient, gesticulent, brûlent des drapeaux israéliens et américains, en appellent au Djihad et au meurtre des réalisateurs et acteurs de la pochade vidéo ou des rédacteurs de Charlie Hebdo. Mais nous savons tous que rien de tout cela n'ira tellement plus loin - sauf si quelques isolés se permettent de se faire sauter avec des kilos de dynamites attachés au corps, s’imaginant ainsi opérer pour Al Qaida et récolter en passant quelques vierges à déflorer une fois au paradis -, car ils finissent toujours par revenir à leur état comateux de soumis, où la prière compulsive, cinq fois par jour, assure un dérivatif à la prise de conscience critique.

Jam Montoya. Piéta scandaleuse
Nous n’avons pas un comportement très différent, nous, Québécois, lorsqu’il s’agit de regagner notre niche de chien battu qui aime lècher la main de ses maîtres, et voilà pourquoi nous avons une frange importante de la société qui est prête à se porter à la défense des riches et à se venger sur le dos des pauvres pour satisfaire sa vengeance de ses humiliations subies. Les pauvres ne paieront jamais assez pour l’éclatante richesse baroque qu’affichent nos «maîtres» dans leur Sagard de pacotilles et dans leurs rêves de se balancer dans l’espace pour voir la Terre comme seuls eux sont incapables de l’apprécier. Nous avions cru qu’au «printemps érable», une nouvelle conscience naissait parmi les Québécois. Nous l’avons encouragée le mieux qu’on a pu. La victoire du Parti Québécois, assortie de la mort d’un homme tué par un détraqué, n’est qu’une victoire à la Pyrhhus comme le constatait l’un de mes amis, fort bon militant, mais pas moins «lucide» pour autant. Tout cela est vite rentré dans l’ordre et maintenant que l’essentiel est atteint - c’est-à-dire l’argent -, le reste on s’en balance, comme toujours.

Le docteur Philippe Couillard, ex-ministre de la Santé sous le gouvernement Charest, annonce qu’il va briguer l’investiture à la chefferie du Parti Libéral. Sympathique, ce bon Couillard, mais il va se retrouver avec la même clique laissée par Charest : le dogue Dutil, le sournois Fournier, le niais Hamad, le subtil Bachand, l’insignifiant Bolduc… Couillard contre Marois? Je ne donne pas la Dame de Béton pour vainqueur. Avec sa politique au coup par coup, il faut reconnaître que Pauline Marois, en consolidant son aile gauche et en poussant un peu sur la souveraineté face à Ottawa, pourrait faire craqueler ce méchant parti qu’est la C.A.Q. pour aller chercher les militants que le comptable Gattuso avait su attirer dans son giron. De même, les fédéralistes retourneront au Parti Libéral si un homme de l'envergure de Couillard parvient à reconsolider le parti contre sa mauvaise réputation de corruption. Ces deux stratégies convergentes des deux partis auraient toutefois pour effet d’éroder Québec Solidaire d’une partie de sa clientèle et de ramener la C.A.Q. à l’essence de ce qu’elle est : l’A.D.Q.

Eh puis, il y a la course des Libéraux fédéraux. Nous pouvons dire que le coup porté par la commission Gomery leur a fait un mal qu’ils n’avaient jamais subi auparavant et qui les a plongé pour dix ans dans un purgatoire douloureux. Les discours trop élevés des intellos ou soi-disant intellos qu’étaient Stéphane Dion et Michael Ignatieff n’ont pas aidé. Le gros Coderre vise la mairie de Montréal, sachant qu’il a peu de chance d’être reconnu autrement que comme le Bonhomme Carnaval du Parti alors, que depuis une certaine page couverture de la revue McLean’s, on sent que les Canadiens Anglais se montrent plutôt méfiants à l’égard de ce que contient la mallette de Bonhomme! Et voici que Justin Trudeau annonce sa candidature. Ce bellâtre, sex-symbol des gruppies de la politique, et capable de mettre K.O. un sénateur autochtone conservateur à la boxe, surtout s'il s’est présenté avec le nez déjà rougie avant même d’avoir reçu le premier coup de poing, a l’esprit aussi vide que le néant, et comme disait Blaise Pascal, «le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie». L’intérieur de cette coquille vide faisant écho à cette autre coquille vide qu’est Stephen Harper a de quoi nous effrayer …jusqu’à l’anéantissement de l’Être Canadien!

Après tout, nos ambassades à l’étranger ne sont-elles pas déjà engagées à s’assimiler de plus en plus avec les services d'ambassades britanniques? Retour du Canada, colonie britannique, dans le giron d’une Angleterre elle-même réduite à ne plus être que le valet de Washington? Que certains analystes pensent que le Canada se substitue à la Grande-Bretagne pour devenir le cœur rassembleur du Commonwealth, c’est possible. Mais le Canada n’a pas l’essence d’un leadership, sinon ce sont les ambassades de Grande-Bretagne qui se seraient fusionnées avec les ambassades canadiennes. Or, c’est le contraire auquel nous assistons. Et la propagande faite autour de la guerre de 1812-1814? Seulement un préalable au rôle qu’entend jouer le Canada lors des cérémonies qui, au cours des cinq années qui viendront à partir de 2014, célèbreront les fêtes du centenaire de la Grande Guerre. Ce leadership que certains entrevoient à travers des décisions radicales, comme la fermeture de l’ambassade iranienne à Ottawa et le rappel de l’ambassadeur canadien, est un geste à la Mussolini, grandiloquent et insignifiant. Stephen Harper, en costume kaki avec une mitrailleuse au côté? Pour la première page du McLean’s peut-être? Il n’a ni la fibre d’un commandant militaire et seulement les ressentiments d’un conservatisme modéré par rapport à son aile extrémiste. Par contre, Justin Trudeau, qui a déjà tenu le rôle de petit-fils de Louis-Joseph Papineau dans un mauvais film de reconstitution historique, Talbot Mercer Papineau, qui était un résultat imprévu de l’annexionnisme du grand-père mais à la fibre britannique canadienne, et qui fut tué lors de la boucherie de Passchendaele en 1917, résisterait difficilement à l'appel d'une certaine geste romantique propre à ces rêveurs qui ne savent pas distinguer la guerre réelle des reconstitutions filmiques. Le retour du patriotisme et du nationalisme féroces du XIXe siècle est une menace réelle dans ce processus de régression collective où à défaut de visions d’avenir, les édiles de la société se rabattent sur des impressions du passé.

Toutes ces informations qui pleuvent sur les Québécois en cet automne 2012 - et j'omets ici les révélations prévisibles de la Commission Charbonneau sur le rôle de la mafia dans l'industrie de la construction et le financement des partis politiques, ainsi que le chef de la C.S.N. forcé de démissionner parce qu'il aurait couvert ses membres, qui lors d'une «séance de formation» dans un hôtel auraient défoncés les portes du bar à liqueur, puis raccompagné une militante un peu trop pompette à la porte de sa chambre -, n'indiquent pas un vent d’optimisme pour les mois, sinon les années à venir. L’impuissance des forces résistantes
Luis Buñuel. L'Ange exterminateur
à tenir devant le sentiment de l’entraînement fatal, comme l’appelait Toynbee, suscite une mélancolie insoutenable. C’est dans de telles circonstances que les esprits sont prêts à accepter n’importe quoi, comme en août 1914 et en septembre 1939. Plutôt la chute dans le maëlstrom de la guerre ou de l’insurrection que continuer à se tourmenter mentalement sur des impressions négatives qui rongent un monde qui, sous les apparences de la morosité tranquille, grouille de folles envies de destructions. L’envie de s’abandonner à notre mort collective ou individuelle est perceptible parmi la jeunesse depuis plus d’une décennie, lorsqu’on l’appelait déjà la Génération X. Les efforts de volonté s’épuisent à écarter toutes ces larves politiques que l’on voit défiler, jouant au rôle de la vierge offensée parce qu’on augmenterait, de manière rétroactive, les impôts sur les riches! Tant d’autres injustices ont été commises sur le dos de l’ensemble de la population sans qu’elles ne soulèvent le moindre émoi, pourquoi celle-ci entraîne-t-elle un haut-le-cœur aussi vif? En tant que bon chien battu, nous nous égosillons; à notre tour, nous en appelons à respecter notre Prophète, nos millionnaires, nos gens riches et célèbres, et demandons réparation pour l’insulte qui leur a été faite. Bien sûr, tout cela se calmera, tant cette légère augmentation n’entaillera même pas la surface de leur fortune. Il n’y a pas là matière réelle à s’époumonner ou à rappeler bêtement que nous sommes au neuvième rang des provinces produisant la richesse au Canada. Aussi n'appelons-nous sincèrement qu'à retourner calmement à nos niches.

Tout cela nous montre, encore une fois, que nous sommes déconnectés du reste du monde. Que nous prenons nos petits problèmes pour les pires maux de la Terre. L’indépendance du Québec? La fin du monde. L’augmentation de la taxe sur le capital? Une réplique de la crise de 1929. L’aspiration à une république sociale? L’ouverture des Goulags. L’usage de notre intelligence? La fin de notre puissance sexuelle. Se départir de nos ressentiments personnels? Le début de la sagesse… Ailleurs, on peut se massacrer joyeusement, on peut prendre les populations entières en otage pour honorer des dettes fictives, on peut exploiter à vif et à mort sans craindre la moindre réaction des nations rassemblées dans ce «parlement» de l’impuissance qu’est l’O.N.U. Ce symbole de la reconstruction vers un monde meilleur d’après-guerre, qui est devenu une institution pétrifiée que plus personne ne respecte et à laquelle tant de pays font partie seulement pour en recevoir les subsides économiques. Son sort ressemble dangereusement à celui qui frappa la S.D.N. au moment où les puissances totalitaires atteignaient à leur toute-puissance à la fin des années 1930. Un goût certain de destruction massive règne sur l’humanité présentement. Pas de quoi fouetter un chat! Mais qu’on ne touche pas à nos riches, par exemple…⌛
Montréal
26 septembre 2012

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